mardi 23 janvier 2018

MIDORI TAKADA "through the Looking Glass"

C’est un peu comme le bon plan d’initié qu’on se passe sous le manteau, ce genre de disque qu’on souhaite partager autour de soi tout en  cherchant à préserver son aura de confidentialité. 
En ce qui me concerne, c’est sur la recommandation feutrée d’un ami qui s’en revenait de loin que le disque a trouvé sa place dans mes rayons, pour s’immiscer dans l’infra-ordinaire des jours qui s’écoulent.

Au milieu des années 70’s, Midori Takada  a entamé une  carrière des plus académiques cantonnée au sein d’orchestres philarmoniques. Puis de se lancer à corps perdu, les sens ouverts à cet océan de son, rejoindre le flux de l’aventure ambient et des préoccupations sérielles et universalistes qui s’épanouissaient alors. Que ce soit au sein du Mkwaju Ensemble (un trio...) ou sur le présent effort solo, le propos se voulait résolument à l’encontre du règne sans partage de la musique dite occidentale, teintée d’affect et d’émotions, pour épouser les nuances subtiles et micro-tonales des musiques africaines, asiatiques qui se perdent dans une transe (collective ?) détachée du moi. 
Through the Looking Glass, mon cher Lewis Caroll, lorsque ce moi transperce le miroir réfléchissant pour se projeter dans un au-delà confondant. Corps et âme et seule au monde, l’album aura été enregistré et produit par Midori Takada elle-même, seule aux commandes, en accumulant les prises de sons en 2 jours seulement. Bien au delà du miroir de ce monde, l’album étant à l’époque passé relativement inaperçu, échappant aux radars aveugles de ceux qui révéraient pourtant les Jon Hassel, Stephan Micus et autres O Yuki Conjugate aux trajectoires parallèles. Une discrétion de rigueur pour une œuvre détachée de soi qui a surtout évité l’écueil du New Age et de la World Music, genres putassiers aussi en plein essor à l’époque. Il suffit pour l’auditeur de se fondre dans une forêt polyrythmique obstinément ciselée, se laisser happer par le voyage statique proposé. D'en oublier cette quête du lapin blanc.
Œuvre majeure et (quasi) orpheline, réhabilitée et rééditée très récemment au vu de l’engouement sur les réseaux sociaux, catégorie Lost & Found.
De penser aussi que le Gamel des japonais d’OOIOO lui doit probablement beaucoup.

L'Un



Midori TAKADA "through the Looking Glass" (RCA. 1983 rééd° 2017)