samedi 25 février 2017

DAZZLING KILLMEN "Face of Collapse"



"... Dazzling Killmen is far from ancient history. as much as i have tried, and i think we all have, to move forward, it just still fuels me in a way. those live shows, those practices, hard to put into words..." (Darin Gray - basse)



"... D.K saved me from cultural oblivion ... " (Tim Garrigan - guitare)


Déjà, dans les années 90’s où le filon indé se creusait (et attisait  les rapacités), on trouvait souvent sur le cellophane des cd’s un autocollant estampillé « produit par Steve Albini » ,  adoubement inespéré pour  pléthore de groupes en quête d’une indiscutable crédibilité, argument ultime pour l’amateur égaré dans un monde où l’internet n’avait pas encore tissé sa toile.

Pareil sticker n’ornait nullement le Face Of Collapse des Killmen.  

Même si on peut rétrospectivement penser que la rencontre des musiciens avec l’artisan producteur tâcheron aura probablement aidé à l’accouchement d’un des albums les plus intenses  dans une catégorie qui n’existait d’ailleurs pas. Perle noire de la décennie, parfaits inconnus alors, dont le terne éclat ne cesse de briller depuis près de 23 ans dans le flou indéfini  des musiques qualifiées aujourd’hui « d’extrêmes ».

Les Dazzling Killmen,  rencontre de deux (puis trois) jeunes étudiants en jazz et d’un aspirant rocker trentenaire dans  une ville peu réputée pour la créativité de sa production musicale, Saint-Louis, Missouri.
Trois personnes (puis quatre) fermement décidés à en découdre sans aucune conscience des retombées incalculables de leurs gestes précis et acérés.

Tueurs électrifiés alliant le raw power viscéral à une rapidité d’exécution parfaitement cadrée.  
On ne parlait pas encore de math-rock, de prog-core et autres déclinaisons combinatoires, mais les arrangements alambiqués et les structures ternaires et syncopées tricotent une trame complexe trahissant le background musical de la section rythmique.  Groove implacable  et rampant, qui offre une assise confortable aux membranes vocales méchamment cramées de Nick Sakes.  

Huit morceaux parfaitement imbriqués à la suite des autres, alternant climax,  et accalmies tendue, le tout sur un fil du rasoir émoussé (le morceau éponyme résume à lui seul la formule). On parle là de huit véritables brûlots suintant le malaise permanent, un équilibre précaire et une claustrophobie sans fond. Les choses ont souvent du se dérober sous les semelles trouées des protagonistes, les répétions houleuses, le manque d’argent, tout comme les tournées à l’arrache.

In the Face of Collapse : face aux ténèbres, quand tout fout le camp…

Les Dazzling Killmen ou l’idée qu’on peut se faire d’une rencontre à l’arrache entre King Crimson et Black Flag.
Face Of Collapse, pinacle d’une courte et anonyme carrière, et funeste chant du cygne d’un groupe évoluant en terrain mouvant. Trop tôt.


L'Un.


DAZZLING KILLMEN "Face of Collapse" (SkinGraft. 1994. rééd° 2017)



jeudi 9 février 2017

Brian ENO "Reflection"



« machinerie (organique) »  - B. Eno – Stratégie Oblique, tiré au hasard.

ctrl+c > ctrl+v : l’opération prend à peine une dizaine de secondes, copiant de la sorte ce qui a été écrit lors de la sortie de l’elliptique « Lux », il y a quatre ans de ça, et collant presque mot pour mot à cette dernière sortie. Une marque de fabrique lassante pour l’amateur 2.0 d’une nouveauté sans cesse tourbillonnante et audacieuse. Mais chez Eno, le propos est ailleurs, le rythme au ralenti.
Au cours de sa carrière, parsemée d’expériences et de sonorités multiples, le genre ambiant, tel que défini par lui-même reste peut-être au final le secret et obsessionnel fil directeur de son œuvre.  Une même matière physique et cérébrale remodelée à chaque mouture, entre remise en question introspective et nécessaires points sur les « i » lorsque le genre alors défini échappe à son créateur, divisé en une myriade de genres et sous-genres du plus sombre au plus niaiseux.
Le présent album alors ne surprendra pas, entrant en résonance comme une énième déclinaison des infinies variations qu’offre une musique auto-générative initiée par ses prédécesseurs. Opérant par une sorte de synthèse additive, les nappes s’accumulent en strates réflectives qui saturent parfois l’espace environnant. Un sens de la respiration plus ténu et oppressant que ne connaissaient pas les « Lux » ou « Neroli » qui s’abreuvaient d’échos lumineux, échappant de la sorte à la présente mise en abyme sonore. Mais toujours, cet art maitrisé du micro-évènement suspendu, ce complexe  enchevêtrement vibratoire seulement ponctué de silences d’un temps qui s’étire en non-dits. Une musique cultivant l’apesanteur mentale fertile à toute forme d’oisiveté assumée. Plutôt éloigné d’un « On Land » ancré dans le survol de topographies imaginaires, « Reflection » explore un territoire purement cérébral situé aux limites même de sa propre conscience.
Son qui devient lumière réfléchie. Sombre, apaisée et cotonneuse

L'Un.

Brian ENO "reflection (Warp. 2017)