mardi 8 novembre 2016

NO MEANS NO

Il est de belles rencontres qui vous réveillent, vous chamboulent au point de ne plus être le même après l’instant fatidique où le sonore et visuel percutent les sens. No Means No a été capable de cela pour de nombreuses personnes et pour une simple raison, c’est que leur musique fut ou a été corporelle, physique, charnelle, en un mot elle irradiait le corps et l’esprit par les deux sens la vue et l’ouie.
ici vidéo des années 80, dans la mouvance de sonorité sombres à la Joy Division
Débutée à l’âge de 5 ans, la collaboration entre les deux frères employant basse et batterie, à savoir la rythmique dans sa quintessence, a construit une base tout d’abord punk, puis développé une complexité frénétique qui a permis au fil des ans d’irradier l’auditoire par le développement d’un groove formalisé dans ce que l’on a appelé « jazz punk ». Bien réducteur tant la fratrie s’affranchissait des carcans au fil des ans.


Usant de compositions progressives qui leur permettaient de s’envoler en mettant en avant une technique incroyable mais évidente à écouter car maîtrisée du bout des doigts, enflammer l’auditoire fut chose facile rapidement. Après 2000 concerts, on assistait à l’âge de 60 balais à un jeu entre une section basse riante-batterie déjantée, soutenue par une guitare stridente et sautillante, au jeu simple et millimétré, à une envolée fantastique, trio improbable et survolté, sourires immuables campé aux lèvres, à un déferlement de morceaux, tous des hits punks-discos-jazzys-hardcores-voire pop, sans aucun scrupule, juste avec le sentiment que l’on ne pouvait que partager leur plaisir d’être sur scène ; ceci étant l’essentiel.
1h voire 1h30 de concert était leur partage quotidien, parler, jouer toujours mieux, vite, fort et le plus précis possible leur crédo. Mais c’est fini. Faire autant et aussi bien n’est peut-être pas possible. Ceux qui se sont nommés les frères Right et Wrong ne sont plus, il reste les Hanson Brothers, et les compositions sur albums. On va les regretter pour ceux qui les ont vu. Ils manqueront à ceux qui les découvriront à titre posthume, mais sachez en tous les cas qu’un jour, deux frères se sont mis à jouer, et qu’ils continuent (le batteur collabore notamment avec des japonais qui créent des robots musiciens, facilement trouvables sur internet avec des reprises de Motorhead entre autres), et que leur mode de fonctionnement, sourire aux lèvres malgré la dureté de ce qu’ils jouaient ne les a pas empêché d’envisager de manière déviante, à savoir autodidacte l’évolution de la musique dans une perspective fun rarement égalée. Merci messieurs.
 
Oui ils ont apporté une sacré pierre à l’édifice, et l’on peut en voir un pan dans 0+2=1 et Wrong mes deux albums préférés sur pléthore…

site de fans en anglais vraiment très fourni: http://www.no-means-no.de/ 



l'Autre Energumene

mercredi 2 novembre 2016

NEUROSIS "Fires within fires"

« Nous apprenons que l’ennemi fondamental n’est pas le chaos, mais l’organisation ; pas la divergence, mais la similitude ; pas le primitivisme, mais le progrès. Et le nouveau héros – l’antihéros –  est celui qui s’est donné pour but de s’attaquer à l’organisation, de détruire le système. Nous savons aujourd’hui que le salut de la race est lié à une tendance nihiliste, mais nous ignorons jusqu’où il faut aller »    - (Trevanian)


« I slept into an avalanche, it covered up my soul » - (L. Cohen)

Il aura fallu pas loin d’une trentaine d’années pour à peine sentir poindre l’espérance d’un rai de lumière. Loin de « Sun that never sets » ; pas si loin de ce "moment de grâce" à mettre en parallèle.
Entre, des déflagrations s’approchant souvent de secousses telluriques, l’expression d’une colère monstrueuse, l’horizon claustrophobe d’un inouï reculant sans cesse au fil des approches.
Monolithe.
Manque étouffant sous une lumière opaque.
Et une longue histoire d’amitié.
Tribu.

Déjà atypiques dans leurs débuts hardcore avec « Pain of Mind », ce virage à 180° (celsius ?) comme peu de musiciens en sont capables dans un contexte alors peu enclin à ce genre de lourde déviance, magma sonore nauséeux et cathartique : les Swans étaient déjà passé par là (en force) certes, mais ces derniers n’ont jamais prétendu faire partie du mouvement hardcore métal…
 Personnellement, c’est l’écoute des efforts solo des deux guitaristes qui m’ont raccroché au groupe dans la décennie passée, versant folk/americana à la fois sombre et serein donnant de la sorte plus de relief à cette quête désespérée de lumière, white heat, white heat

Avec l’entrée en matière de « Bending Light », le passage de témoin s’effectue dans une douceur suspecte, par la porte dérobée : il faut plus de 3mn de sinuosités à la fois martiales et aériennes  finissant par se noyer dans un presque trop confortable flot cotonneux, pour enfin atteindre le climax attendu : rage qui n’a que plus de portée lorsqu’elle est contenue, distillée et pleinement maitrisée. Neurosis nous délivre instinctivement ses compositions méandreuses en clair-obscur, où l’inné s’appuie sur un acquis colossal, le déroutant « Reach » nous amenant, exsangues et rampants, au sud de nulle part. Proximité incantatoire d’un son sec et mat, débarrassé de ses anciennes scories (oui oui, #atouchofalbini…) ; renouer avec la ligne claire.
Au final de posséder là plus le résultat d’un work in progress cathartique et sans horizon fixé qu’un de ces sempiternels et ressassés disques de la maturité, même si la nuance se veut parfois fine et subtile.
C’est con, mais au fil des écoutes successives, le qualificatif « liquide » s’est imposé;  comme une évidence apaisée.  Au cœur du brasier pour tout refuge.

L'Un.


Neurosis "Fires within fires" (Neurot. 2016)