dimanche 15 mai 2016

SUUNS : "hold/still"



« Accumulez, accumulez [boucles, rythmes hypnotiques & cachetons], c’est la Loi et les Prophètes » 
(Karl Funky Marx)

Après Images du Futur qui transformait brillamment l’essai  avec l’encore discret Zeroes QC, le combo canadien aura tranquillement enflammé scènes et festivals ces dernières années, dans la catégorie rock hypnotique, un œil rivé sur un présent morose, l’autre oreille tendue vers une électronique vintage . A classer quelque part entre les contemporains Beak> et Liars.
On l’attendait au tournant donc, ce dernier SUUNS.
Eux aussi.
Mais exactement pas là où on les attendait.
Plus dure sera la chute, avec l’introductif Fall, aux contours rêches comme du béton et sa rythmique martiale. Le message est clair : on ne va pas caresser les sens émoustillés de l’auditeur dans le sens du poil impeccablement taillé. Si la suite se veut plus conventionnelle aux dites attentes, il y a comme un déphasage qui opère, le groupe semblant se rejouer dans un ralenti décharné et malgré tout plus que jamais en place (la production massive de John Congleton n’y est certainement pas pour rien). Les guitares se confondent dans le minimalisme d’une électronique bouclée, le rythme sec et appuyé  sort rarement de cette léthargie de confort. La mise en abime se veut narcotique. Le groove nonchalant prend la forme d’une dérive nauséeuse : tout transpire cet indéfinissable malaise plombé.  La musique de Suuns porte en elle tous les  stigmates d’une époque malade de sa jeunesse étouffée par la génération éminemment prédatrice qui la précède. Elle envoie là un message anémique trop brouillé pour atteindre des gens occupés à thésauriser et balancer leurs fatwas et anathèmes bien-pensant à la gueule d’un monde exsangue. La démarche est jusqu’auboutiste, tant la conceptualité forcenée de l’album semble pousser le groupe dans ses retranchements les plus comateux (un parallèle évident à établir avec l’Irreal des Disappears). Blues électrique, sous benzodiazépine.


L'Un.

SUUNS : "hold/still" (SecretelyCanadian. 2016)
 

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