je regarde les
photographies de la pochette c’est bien cet espace laissé à son propre
abandon que Mathias Delplanque a cette fois-ci choisi d’investir non pour le
remplir mais pour en souligner son absolue désolation un ange passe fantomatique
long travelling suspendu perdu dans une contemplation introspective les échos
crépusculaires de guitare qui traversent un paysage offert à larouille et au vent anatomie de la
déréliction chasser le dragon tapi
dans cette indicible mélancolie post-industrielle si le précédent Chutes se jouait des
mises en abîme Drachen accroche les particules de poussières en suspension
piégées par un rai de lumière malade les articulations sont toujours aussi
organiques s’inscrivant cependant dans un mouvement plus ample et délié en
longs aplats de grésillements de matière parfaitement maitrisés les possibles comparaisons
et connexions des plus pertinentes fusent mais d’éviter cette fois-ci de tomber dans ce
fâcheux travers le projet semble avoir mûri loin des regards à l’écart du
tourbillon incessant de ce monde hyper-connecté épris d’instantanéité cher Mathias j’aime beaucoup ce que tu fais
mais là que veux-tu tu es encore allé trop loin encore un de ces
disquesqui va hanter le chevet de mes
nuits blêmes et meubler mes silences ahuris.
"then they started playing, they kept playing, they kept playing, I asked them to stop, but they kept playing, they kept playing, I said please but they kept playing. I still hear them, they keep playing, they keep playing" (David Tarling)
Versatile Oren Ambarchi. Multi-instrumentiste à l’œuvre pléthorique, son domaine de prédilection se situe quelque part entre l’improvisation, l’électronique, la musique contemporaine et le métal avant-gardiste.Collaborateur infatigable, on peine à lui imaginer une œuvre solitaire.Celle-ci oscille et vacille en boucle, forgée au gré des rencontres et des obsessions. En filtrant ces dernières, on peut isoler une attirance prononcée pour les structures répétitives et hypnotiques.
« Organiques », dit-on plus communément : avec Sagittarian Domain, l’idée est réduite à sa plus simple expression, démarrant sur une pulsation basse tout aussi invariable qu’une rythmique lancinante. Sécheresse chaloupée d’un groove au cordeau où foisonnent les feedbacks d’une guitare trafiquée. On embarque pour un voyage aux accents faustiens, dans la chaleur luxuriante d’une transe atonale. L’échine courbe, la moelle épinière se contracte alors même que nos terminaisons neuronales affolées cherchent encore à traiter le signal brouillé. Un bourdonnement mécanique centripète se crée, niché non loin des frontières parasitées de la techno et de l’essence d’un rock réduit à sa plus brute expression.
"Pendant
un bref instant tout de finesse, quelque chose de doux traversa mon
corps exténué. Je lui dis : ouvrez la fenêtre, depuis quelques jours je
sais voler" (Werner Herzog).
Il y a un parallèle évident à établir avec le récent « Tongue Tied », collaboration avec Johann Berthling. Sorte de variation sinueuse et progressive qui s’inscrit dans une symétrie opposée, pour finalement emprunter le même schéma précédemment employé par Sagittarian. Les comparses prennent leur temps, se cherchant l’un et l’autre, dans un long premier morceau erratique où les aplats d’orgue hammond offrent un cadre aux reptations d’une basse déliée. Ce n’est qu’au bout de 7 minutes que l’élément rythmique s’installe. Oren Ambarchi opte pour une approche plus discrète, son jeu s’appuyantsur l’utilisation des cymbales et balais qui relancent invariablement une pulsation soutenue mais aussi plus aérée. A un certain point d’équilibre jugé atteint, s’enclenche cette répétition à nouveau implacable. Mais les tonalités sont plus chaudes, la mise en boucle moins rigide, et le corps précédemment oppressé dans un carcan indépassable cède là le terrain à un esprit alerte et apaisé qui retrouve l’espace nécessaire à sa respiration, et ce qu'il y a, après…
L’opiniâtre trio helvète continue de pousser plus en avant ses explorations décharnées sur des territoires connus d’eux seuls, aux marges du jazz, du rock et de la musique contemporaine. Un palier de décompression supplémentaire vient d’être franchi avec ce nouvel opus qui se rapproche dangereusement des bords d’un gouffre incessant.
Le propos est radical, à chercher ce vide interstitiel pas si loin des trous noirs, entretenant cette fascination du vide et de ce qui se cache derrière.
Le propos est éminemment statique à se jouer des structures répétitives, confortant son auditoire dans une hypnose nimbée d’un insondable malaise. Opérant avec ce «Titan» une synthèse poussée dans ses retranchements des deux précédents albums, Plaistow, plus déterminé que jamais, semble graviter dans un état de lourde apesanteur au cœur d’un tourbillon, jamais loin d’une improbable collision. Sonorités amples dont la coloration tire vers des registres aux basses profondes, le piano de Johann Bourquenez déploie une palette étendue, des clusters de notes aux cordes préparées, utilisant les résonances les plus intimes de son instrument, lorsque la contrebasse de Vincent Ruiz assène inlassablement une pulsation monolithique, égratignée de quelques coups d’archet. Cyril Bondi inscrit ses structures rythmiques dans des patterns au groove martial et suspendu. Le trio opère en formation plus resserrée que jamais, se jouant des failles temporelles et de l’espace, entre. Francs-tireurs qui maitrisent parfaitement l’art de la retenue comme pourraient le faire the Necks ou leur compatriotesde Sonar, Plaistow nous proposent une plongée en apnée dans un air raréfié que l’éponyme « Titan » clôture de façon sépulcrale.