vendredi 22 février 2013

BLUENECK : "Epilogue"

Sorti récemment chez le prolifique Denovali, qui conjugue une identité forte et un certain esprit de famille, le petit dernier de BLUENECK, résume parfaitement toute la philosophie du label : plongée sans filet dans un univers cinématique dépouillé, où le piano donne une coloration doucement bleutée (donc), louvoyant à la marge plutôt que de façon frontale. On ne rentre que progressivement dans cette bande-son imaginaire inquiète aux nombreux épithètes post-quelque chose. Rythmes tribaux, lointains et assourdis, mélancolie à la narcose impalpable, échos électroniques d'un bruit jamais loin de l'explosion feutrée, une fausse quiétude s'installe. On est pris par une main pour être lâché de l'autre au sortir de la forêt à l'orée d'une ville étouffée. Musique de lignes de front indécises, comme ces ombres dans leur silhouettes anonymes au bord de la route, au bord du gouffre. On ne saura jamais. BLUENECK nous retient le souffle coupé dans l'attente d'une suite sans fond, flou résolument artistique. Musique de lointains indéfinis, à l'ouest du grand nulle-part. Une réussite toute en demi-teinte avec une seule palette de bleu climatique pour tout instrument. 

L'Un.

BLUENECK : "Epilogue" (Denovali. 2012)

le site de BLUENECK
le site du label DENOVALI (une visite s'impose...)
quelques extraits de leur discographie du groupe sur leur page soundcloud.

mercredi 6 février 2013

THE BLOOD OF HEROES : "The waking nightmare"

Fébrilement attendue, ce dès la sortie du premier album, la seconde mouture du collectif The Blood of Heroes  (chroniqué en mars 2011) nous arrive avec un delay soigneusement fracassé. Une longue gestation d'un mammifère à sang froid qui aura pris le temps de se repenser pour renaitre là où on ne l'attendait pas, histoire de conjurer la quadrature du cercle et de décevoir les adeptes endormis de la branchitude annoncée. Du line-up originel, on aura soigneusement extirpé le quelque peu trop médiatique Bill Laswell, pour coller un certain Tony Maimone (Pere Ubu, tout de même) à la basse. Changement mineur s'il en est pour gagner la souplesse nécessaire à un franchissement du Rubycon dans les règles : le groupe ainsi ressoudé ne se retient plus, prêt à délivrer une musique tendue, fractale et concassée. Pas vraiment remis des séquelles du combat précédent, the Waking Nightmare explose le cadre initial en utilisant certes la même balistique combinée : post-punk, drum & bass, electro indus vaguement menaçant. Mais l'ensemble se veut plus intégré, les individualités et fortes têtes s'affirmant dans le groupe sans pour autant se renier. C'est flagrant avec Dr Israel dont les vocaux prennent une ampleur insoupçonnée et le ton juste. De son côté Justin Broadrick a troqué les guitares trainantes de son Jesu pour les déflagrations vicieuses d'un J.K Flesh de sous-sol, se frottant au coup par coup contre les structures rythmiques grésillantes de la paire End.user / Submerged.. Musique organique car entropique, dévorante et posée sur le fil constant d'un rasoir émoussé. Si un « Deathwish » d'ouverture vient confortablement se poser en écho à l'electro-punk du Blinded du premier album, « War » ou « Hecatomb » sonnent comme l'invitation galeuse au cauchemar annoncé, la poisse épaisse de « Dogtown » lorgne furieusement vers des Death Grips sous sédatif, alors qu'un « Last Forest » primesautier se chargera de lécher nos plaies accumulées dans les oreilles. Les morceaux hésitent, se désagrègent, nous font faux-bond, véritables petits chaos en expansion perpétuelle. « I Love You but I chose Darkness » totalitaire (basé sur un titre de Submerged) clôture l'album dans une hallucination martelée qui n'offre guère de rémission possible : on vient de plonger en apesanteur marécageuse, la sourde menace post apocalyptique qui nous guette comme la mariée attend vainement la chienlit au coin d'un bois. Le cauchemar est en place.
(et c'est signé sur Ohm/Resistance...)

L'Un.

The BLOOD OF HEROES : "The waking nightmare" (Ohm/Resistance. 2012) 
quelques morceaux en écoute par là...