lundi 6 mai 2013

CHELSEA LIGHT MOVING

Amis quadras, où sont donc passées nos années soniques en diables, de celles qui nous scotchaient l'oreille contre les enceintes 2x2 voies de la chaine hifi des parents (oui, ça sent le vécu...) ? Où sont passés nos acouphènes, les mines boutonneuses réjouies à la sortie d'un concert avec un vinyl, la bite et le poster sous le bras ? Une époque révolue, dans un larsen sans fin et silencieux, les vieux de Sonic Youth ayant (enfin ?) jeté l'éponge pour des raisons qui n'appartiennent qu'à deux d'entre eux. Depuis, sans trop de nouvelles de miss Gordon, on aura appris  que Steve Shelley a discrètement rejoint la lumière du petit dernier «Pre-Language » des Disappears, histoire de sortir du tunnel, Lee Ranaldo d'accoucher du disque de la consécration de quinquagénaire, celui d'un songwriter et mélodiste trop longtemps effacé derrière une avant-garde radicale. Thurston Moore, lui n'en était certes pas à ses premières saillies en solo, et le déconcertant « Demolished Thoughts », avec son folk électrique au violoncelle pleureur en forme de retour introspectif pouvait laisser croire à une pré-retraite honorable ; enfin pépère quoi. Il suffirait par la suite d'effectuer quelques prestations en guest de choix au côtés des formations bien senties du moment... histoire de sceller la légende new-yorkaise du grand blond (cool absolu) avec ses baskets noires dans l'asphalte de la Grosse Pomme désormais aseptisée. Mais il faut croire que le gamin à la mèche et aux cent guitares folles avait encore une bonne dose de bruit à refourguer dans sa besace, comme une poignée de poil à gratter qui traîne dans les poches trouées depuis trop longtemps. Chelsea Light Moving derrière un anonymat de façade, transpire l'énième projet solo du grand Timonier de l'activisme et des affaires soniques, les 3 autres musiciens restant cantonnés dans cette zone d'ombre qui sied aux hommes de main et exécutants de talent. Au premier accord du calme « Heavenmetal », on reconnaît Thurston Moore ; typique. Avec "Alighted", 3° morceau (de bravoure) transparait la patte Sonic Youth : early Sonics. Fascinant et troublant. Le malaise s'installe avec un certain plaisir convenu : Chelsea Light Moving résonne comme un sas de décompression, exutoire des tensions et frustrations qu'on sentait s'accumuler au fur et à mesure des tout derniers Sonic Youth somme toute un peu poussifs (euphémisme de « chiant »). Un grand bond en arrière, jouissif et salutaire d'un type qui contemple posément un passé forcément auréolé de nostalgie. L'impression à l'écoute de traquer la discographie de Sonic Youth (entre Confusion Is Sex – Sister, Experimental jet-set trash & no stars.... par exemple) avec un filtre bypass occultant les 3 autres fortes têtes pensantes du groupe, et un remastering sage et lissé : schizophrénique. Passé les premiers émois, les oreilles en forme de madeleine de Proust encore frétillantes, on se surprend à se perdre en conjectures sur cette étrange dichotomie d'un Sonic Youth lifté, minimaliste car amputé de ¾ de ses membres, et débarrassé de ses oripeaux arty-pop : « ah tiens alors ce genre d'accord c'était alors du Thurston à l'époque ». « ah et là, ce son de guitare trafiquée »... Sonic light, clean sonic. C'est propret comme le rock actuel nous l'assène. Noise contrôlée. Les puristes sauront apprécier « Communist Eyes », reprise des cryptiques Germs, combo punk west-coast (plus cool tu meurs, hipster...), et hommage appuyé d'un adolescent attardé et amoureux transi du hc/punk qui ne s'en est jamais caché. Sans jamais réellement gâcher notre bon plaisir régressif, on pourra difficilement  au bout du compte, savoir si on tient entre nos mains l'album rock perdu de Sonic Youth, porté crânement par le dernier de ses Mohicans, ou une thérapie en forme de catharsis, histoire de histoire de régler ses dernier comptes, de refermer les plaies sur  une période, une aventure hors du commun, un mythe. On a pas tous les jours les 20 ans d'une vie sonique.

L'Un.

CHELSEA LIGHT MOVING: "s/t" (Matador. 2013).



.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire