mardi 4 décembre 2012

CAMERA : "Radiate"

Si, entre deux shots fatals de Jaëgermeister dans une taverne de Hamburg à 4h du matin en train de se débattre entre les pattes d'une serveuse géante, on tient vraiment à se payer une bonne tranche de régression revivaliste d'une période que peu d'entre nous auront vraiment connu, et qu'on apprécie le côté peine à jouir du rythme métronomique envappé de nappes de synthés de récup' prêts à lâcher, ce qui peut rassurer par ces temps de grandes incertitudes morales, on a peut-être là le disque qu'il nous faut.
Si vous croyez que c'est facile en terme de crédibilité, de faire semblant de s'enticher d'une énième production qui se borne à surfer sur le cadavre raidi d'un genre appartenant à une histoire et une géographie révolue (ouais : depuis l'Allemagne a été réunifiée, l'Europe est passée par là à grands coups de pompe au cul et le réseau autoroutier allemand hérité des 40's rugissantes est en cours de réfection...). Dans une société de petits hipsters narcissiques pour qui la classe décalée consiste en un recyclage permanent et douteux, faute d'inspiration, des trucs aussi ringards que le krautrock ou la synth-pop (mais je crois qu'ils sont depuis passés au heavy métal...) constituent le nec le plus ultra. Avec une pareille entrée en matière, nos discrets musiciens dont il est question dans ces lignes tordues ne peuvent plus que mettre en avant la légitimité de leur origine teutonne . Ça et le fait que des vétérans de cette scène (certes probablement sujets à de sérieux acouphènes vu leur âge canonique) aient tapé le bœuf avec eux. Imparable.
Pour être très honnête, en fait, on s'en fout complètement ; parce qu'avec son premier album, ce trio au nom impossible à retrouver sur un moteur de recherche, nous pond le plus simplement du monde un bon disque. Un disque de musiciens. Il faut certes faire abstraction de toutes ces vitupérations à la mauvaise-foi évidente sus-citées pour se plonger sans à priori dans cette heureuse surprise pour un automne frais. En formule trio, il est difficile de mentir longtemps, d'autant que les gars ont une solide expérience de terrains divers (toilettes publiques, passage souterrain...) fleurant bon le situationnisme attardé. Avec une guitare, un ou deux claviers et une batterie, on va à l'essentiel, sans digression et sans filet. « Ego », entrée en matière frontale, commence de façon musclée et carrée, rythmique implacable à la NEU! , accords lancinants et synthés lumineux pour un jam in die Scharzwald endiablé. Plus frénétique encore, dans une transe à scotcher les gonades au plancher, « Ausland » nous contraint à taper la mesure du pied, la tête déjà dans les étoiles et un verre de bière dans la main. Des plages plus calmes alternent, trips kosmiques de lendemains qui chanteront, ou pas  (« Morgen », et le carpentérien « Lynch »), avec toujours un son abrasif proche du live qui empêche de basculer dans la mièvrerie casse-gueule de l'option lissée du tout-synthé ; si c'est un truc que les nouvelles générations ont  su assimiler, c'est bien la maitrise fine de cet instrument lourdaud et bâtard.
Plaisir coupable à ne surtout pas partager, disque à passer en boucle dans sa bagnole, qui vous donnera au moins l'impression de ne pas être un pauvre naze, assis derrière le volant de votre bagnole, tout occupé à toucher ces étoiles lointaines au moyen de vos seules oreilles extasiées. La parfaite et sautillante alternative à la bande-son gluante du film de Nicolas Winding Refn.

L'Un

CAMERA : "Radiate" (Bureau-b. 2012)




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