samedi 10 mars 2012

EARTH : "Angels of Darkness, demons of light. Vol. 2"

Kurt Cobain, outre son spleen fatal et la mèche blonde rebelle trimballait aussi avec lui une    érudition  musicale entre autre solidement arrimée au monolithe Black Sabbath ,  et ses épigones U.S et rejetons indirect : Flipper, Black Flag pour les plus connus de l'époque, mais aussi les potes et voisins Melvins ou encore les moins connus et damnés Earth.
Tout ça pour dire que la genèse de EARTH prend ses racines dans cette période charnière du rock grunge et reste intimement et douloureusement  liée à la scène de Seattle. EARTH jouait aussi une musique lourde. Ou plutôt une musique ronflante sombre et bourdonnante. Précurseurs d'un genre aujourd'hui décliné jusqu'à la nausée : le drone-doom. Des accords trainants qui s'étirent sur tout le spectre malsain des basses fréquences. Avec la sortie à l'époque de « Hex, or printing the infernal method » Dylan Carlson (guitariste et leader) délaisse le côté doom et ses démons ; le drone, lui, se mue en une note suspendue plus qu'en bourdon et s'ouvre à la mélancolie quasi cinématique des grands espaces américains, nous délivrant une musique de western au ralenti dont la référence la plus proche et flatteuse pourrait être la b.o de Dead Man interprétée par Neil Young.

« Angels of Darkness... vol.2 »  fait suite au volume #1 sorti l'an dernier. Contrairement à son prédécesseur, le présent opus présente les improvisations en studio de la même session. Il faut donc oublier les repères écrits quitte à sentir le sol se dérober sous nos pieds : le sol est ainsi jalonné de crevasses et chausse-trappes, EARTH prend pour sa part des risques mesurés s'essayant à marcher sur l'eau. Toujours les mêmes accompagnateurs : la frappe déliée de la fidèle Adrienne Davis aux peaux et cymbales, Lori Goldston au violoncelle (Nirvana Unplugged... David Byrne), et Carl Blau jouant quatre cordes.
Ça commence par tâtonnements, par approximations. Quelques notes de guitares envoyées au hasard, comme une pierre dans l'eau. La basse répond mollement. Impression tenace, au début,  de ne pas y croire. On se perd dans les méandres d'un dé-tricotage musical. Et l'alchimie opère, contre toute attente. D'abord entre guitare et basse, les deux autres instruments n'apparaissant qu'à partir du 3° morceau pour se mêler avec cette même lenteur qui hésite entre solennel et solaire. Les instruments se relaient le rôle du bourdon, et le violoncelle rivalise par moment d'audace face à une guitare imperturbable et apaisée. Loin de la transe mais si proche de l'extase, tout en retenue. Parce que le but n'est pas de l'atteindre mais de louvoyer à la frontière .
Plus que jamais, le folk suspendu d'EARTH se fait hypnotique, et sa pesante majesté confine à l'illumination d'un mysticisme revendiqué. On s'approche d'une contemplation sans objet d'un horizon vaguement brouillé.
A moins que le titre en forme d'oxymore ne suggère simplement une forme d'apaisement gracile et précaire...
L'album pris pour lui-même est quelque peu insuffisant mais se révèle beaucoup plus consistant lorsqu'on considère rétrospectivement les lentes pérégrinations de Carlson depuis le tournant "Hex : or printing..." 
Les fans de la première heure, eux, auront lâché l'affaire depuis belle lurette, obstinément crispés à un passé, certes glorieux mais par nature révolu.

L'Un

EARTH : "Angels of Darkness, demons of light. Vol.2" (Southern Lord. 2012)
 le site du groupe.

un extrait


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire