vendredi 10 février 2012

HAWKS : "Rub"

Bon.
Dans le désordre : Chrome Cranks. God Bullies. The Jesus Lizard. Oxbow. Cows. Laughing Hyenas. Penthouse.
Fidèle lecteur, si au minimum deux noms de groupes proposés ci-dessus ne te sont pas inconnus et passent régulièrement sur ta platine disque poussive, alors n'en lit pas plus et file directement écouter jusqu'à la nausée  le présent « Rub » interprété par HAWKS, dernière sensation rauque en date. La fin du Monde n'est pas si loin.

Pour les autres, profanes et béotiens aux oreilles ouvertes, il est temps de retrousser les manches et se salir un peu les mains dans le cambouis encore fumant : on va s'essayer aux plaisirs coupables d'un genre qu'on considère régulièrement à l'agonie depuis une ou deux décennies déjà : le rock. Je veux dire sa frange la plus intraitable, qui s'escrime à exister à l'ombre des circuits balisés, dans les arrière-salles de bars de seconde zone ; ces bouges de province qui puent encore la clope (si si), le sol poisseux de bière au gobelet. Car HAWKS fait partie de ces groupes illuminés, artisans du bruit blanc électrique sauvage qui hantent ces sous-endroits interlope laissant les rares spectateurs pantois, persuadés d'avoir touché de près la queue de la Bête le temps de quelques morceaux noyés dans un déluge sonique.
Ces natifs d'Atlanta sont l'incarnation contemporaine qui a parfaitement assimilé la forte influence de ces groupes sus-cités en introduction, archétypes de ce qu'on appelle encore avec une nostalgie certaine la scène noise-rock des 90's ronflantes (lecteur profane, une visite rapide des groupes sus-cités s'impose donc... pick your king...).
Noise-rock est un terme que je n'ai jamais particulièrement apprécié, voyant davantage dans cette musique ainsi labelisée le blues sur-electrifié de blanc-becs de banlieues paumées qui hurlent leur tripes faute de choper le groove ou la note bleue. Punk blues donc ; pourquoi pas. Pardonne nous, Robert Johnson...
Et si les HAWKS ont parfaitement digéré leur alphabet des accords électriques distordus, du blues ils en auront phagocyté son désespoir, pour mieux transcender l'héritage des ainés en collant leurs tripes, leur morgue et toute l'énergie noire du moment.
On a du mal à s'arracher ici, systématiquement chevillé au sol par des rythmes souvent ralentis et marécageux. « Rub » est un monstre de compacité oppressante, ce probablement du au mix mat et équidistant (mais trop brouillon, le bémol de l'album...) de Kyle "HarveyMilk" Spence. La guitare se joue à saturation naturelle, sans artifices, ni solo parasite (ou si peu), avec ce qu'il faut de vibrato chauffé à blanc entre deux larsens. La section rythmique épouse de près le propos et presse pesamment sur le frein pour mieux s'offrir de petites accélérations entre les rares brèches (« Late Bloomer », -vide ci-dessous- « Royalty »..) ; pour mieux rappeler que c'est meilleur quand c'est long, lent et visqueux. Nul doute que ce chanteur à l'équilibre reptilien en mode auto-combustion se pose en parfait frontman possédé et totalement dérangé du bulbe. Le genre de gars qui aurait échoué comme prédicateur pour l'Eglise des Saints Derniers Jours si ce groupe n'avait pas été sa dernière bouée de sauvetage.
C'est rugueux comme un goût de papier de verre dans la bouche qui ne disparaît qu'avec une bière de trop. Chaque morceau distille un poison sans antidote et s'insinue lentement au cœur de nos cellules mauvaises. C'est cru, ça sue et ça saigne dans la lumière blafarde des néons grésillants, loin de toute beauté à l'esthétisme bien pensé ; c'en est obscène et obsédant.
Le plus frustrant est peut-être d'extrapoler sur le potentiel scénique du monstre, si peu probables étant les chances de les voir régurgiter leurs plaintes brûlantes sous nos latitudes ingrates.
Le rock est mort ? Les HAWKS prouvent le contraire en enfonçant le manche de leurs guitares jusqu'à la garde.

L'Un



HAWKS - "Rub" (TransRuin. 2011).
on peut écouter et se procurer l'album ici 

1 commentaire:

  1. WOW !
    Chouette chronique !
    Je suis en train de monter la tournée française du groupe pour début septembre.
    Nouvel album courant avril.
    A suivre de très près donc !
    Au plaisir !
    greg

    RépondreSupprimer