jeudi 23 février 2012

GALA DROP : "s/t". (tripping Lisbon...)


Ola ! Je ne sais pas trop ce qui se passe à l'ouest de la péninsule ibérique, confins d'une Europe souvent oubliée dans le domaine qui nous intéresse... mais par chez nous, on a au moins 3 ou 4 galettes estampillées made in Portugal qui tournent pas mal sur nos platines. Certes pas de quoi en faire une thèse non plus. L'Autre a  déjà chroniqué l'envoûtant « Earth as a floating egg » de Jonathan Ulliel SALDANHA, qui flirte dangereusement avec le hardcore de la musique contemporaine. Après pareille écoute attentive et exigeante, on va tenter un atterrissage tout en douceur  avec GALA DROP.
On reste sur Lisbonne donc ; tant pis pour le Fado.
Projet de Nelson Gomes, GALA DROP se décline actuellement en quartet (synthés, guitare, batterie et percus) et sort  avec cet éponyme, son 2° album (avec un ep intercalé quelque part je crois). On est pas si loin de l’exécrable synth-pop actuelle (vous savez : synthés analogiques, années 80’s, genre Vangélis : énième Retour à la con…) ; mais avec la pop en moins, et le synthé discret… On n’est jamais loin non plus de l’easy-listening, genre trop souvent sous-estimé et pourtant exécuté par des musiciens de placard chevronnés.
Si les structures rythmiques charment par un côté tribal et hypnotique, elles n’en sont pas moins riches,  complexes et lentement évolutives. Un traitement du son au cordeau abuse souvent de réverb’ en temps réel et autres effets tropicaux, histoire de balader ses basses épaisses du côté du dub et d’envelopper le tout d'un manteau de fumée suspecte. Ca plane constamment à une altitude moyenne, histoire de ne pas se cramer trop haut ; d’ailleurs ça atterrit rarement, et c’est un peu ce qu’on leur demande, le trip sans fin.
Alors c'est pas vraiment nouveau tout ça, mais s’enracine au contraire dans un kraut-rock psychédélique très, mais alors très voisin de CAN (à mi-chemin entre Tago Mago et Soon over Babaluma...) voire GONG ou CLUSTER par moments, avec la petite patte d'eph' d’un groupe qui joue finement et sans complexes sa propre musique, celle qu’il aime, et qui à coup sûr fait lentement décoller ses auditeurs hallucinés.  
Paz na terra, meu irmão, ou presque : faudrait pas qu'un anthropologue voit la pochette, politiquement correct oblige...

L'Un.

GALA DROP : S/T (Mbari, 2009. réed° Lantern, 2011)
le site de Gala Drop sur MySpace
l'album en écoute  ici.

vendredi 17 février 2012

JONATHAN ULLIEL SALDANHA : Earth as a Floating Egg

Le terme de catharsis a été quelques fois utilisé sur ce blog, tant nous cherchons l’Un comme l’Autre à ne nous exprimer que sur ce qui nous implique fortement, nous touche d’une façon indélébile. Sans concession. Ainsi nous retrouvons nous à nous emporter tels des énergumènes possédés de la force conférée par les dits instants cathartiques & chavirés…

Jonathan Ulliel Saldanha est de ces artistes qui vous questionnent profondément de par les sensations que ses compositions vous font éprouver. Un sacré énergumène lui aussi, possédé par des dérives sonores représentées ici dans ce magnifique album matérialisé sous cette mystérieuse forme ovoïde flottante. Gage d’une qualité et d’une puissance réunies, les morceaux s’écoutent très fort et à volume réduit avec la même intensité : on parvient à dégager par la précision de son montage les fêlures sur ces coquilles, et les fines aspérités de la surface apparemment lisse comme sur « Chasm » par exemple. De l’orfèvrerie.
Une production rare à découvrir pour, par exemple les adepte de dub: en effet son travail est emprunt de cette notion de réécriture de ce qui se fait par la manipulation de la console de mixage et des effets. Charme de l'instant inattendu, géré tout en souplesse comme j'ai pu le voir plusieurs fois en live. Il joue aussi dans Macumbas, combo portugais d'amis improvisateurs dont une partie s'occupent des instruments sur cet album. Des percussions aux cuivres, en passant par les instruments à cordes et la voix, le spectre et les harmoniques sont confortablement convoqués. Je cite aussi Fujako, duo avec le belge Esterle, où l'on a pu voir les collaborations de Sensational, Spectre, Tzii au fil des sorties discographiques. les morceaux sont plus proches d'un hip hop sombre, numérique et froid, reflet d'une réalité.
Un autre pan de la nature de son travail est palpable dans cet album, que je trouve être à l'apogée de ses sorties jusqu'à maintenant (en espérant que Jonathan ira encore plus loin dans la magnificence de la réalisation, et dans l'aspect habité de ses sons): ce pan est le caractère structuré de sa musique, la complexité proche de celle des musiques contemporaines, savantes pourrait on dire, dans ce qu'elle a d'écrit, de réfléchie: et c'est cela qui en décuple la magie, le fait d'être une musique instinctive, chaude, et dans le même temps intense, fourmillant de détails, "d'avant-garde" (sic). Magie du studio...
Je ne peux que chaleureusement le recommander et sans restriction; il faudra pourtant passer par delà une distribution des plus restreintes mais directe: sous son pseudo HHY et avec les Macumbas, ils ont leur propre label SOOPA, à contacter ici: http://www.soopa.org/
Libre à vous de vous plonger dans leurs discographies, et nombreux projets parallèles, dont happenings, édition de livres, vidéos...

L'Autre

vendredi 10 février 2012

HAWKS : "Rub"

Bon.
Dans le désordre : Chrome Cranks. God Bullies. The Jesus Lizard. Oxbow. Cows. Laughing Hyenas. Penthouse.
Fidèle lecteur, si au minimum deux noms de groupes proposés ci-dessus ne te sont pas inconnus et passent régulièrement sur ta platine disque poussive, alors n'en lit pas plus et file directement écouter jusqu'à la nausée  le présent « Rub » interprété par HAWKS, dernière sensation rauque en date. La fin du Monde n'est pas si loin.

Pour les autres, profanes et béotiens aux oreilles ouvertes, il est temps de retrousser les manches et se salir un peu les mains dans le cambouis encore fumant : on va s'essayer aux plaisirs coupables d'un genre qu'on considère régulièrement à l'agonie depuis une ou deux décennies déjà : le rock. Je veux dire sa frange la plus intraitable, qui s'escrime à exister à l'ombre des circuits balisés, dans les arrière-salles de bars de seconde zone ; ces bouges de province qui puent encore la clope (si si), le sol poisseux de bière au gobelet. Car HAWKS fait partie de ces groupes illuminés, artisans du bruit blanc électrique sauvage qui hantent ces sous-endroits interlope laissant les rares spectateurs pantois, persuadés d'avoir touché de près la queue de la Bête le temps de quelques morceaux noyés dans un déluge sonique.
Ces natifs d'Atlanta sont l'incarnation contemporaine qui a parfaitement assimilé la forte influence de ces groupes sus-cités en introduction, archétypes de ce qu'on appelle encore avec une nostalgie certaine la scène noise-rock des 90's ronflantes (lecteur profane, une visite rapide des groupes sus-cités s'impose donc... pick your king...).
Noise-rock est un terme que je n'ai jamais particulièrement apprécié, voyant davantage dans cette musique ainsi labelisée le blues sur-electrifié de blanc-becs de banlieues paumées qui hurlent leur tripes faute de choper le groove ou la note bleue. Punk blues donc ; pourquoi pas. Pardonne nous, Robert Johnson...
Et si les HAWKS ont parfaitement digéré leur alphabet des accords électriques distordus, du blues ils en auront phagocyté son désespoir, pour mieux transcender l'héritage des ainés en collant leurs tripes, leur morgue et toute l'énergie noire du moment.
On a du mal à s'arracher ici, systématiquement chevillé au sol par des rythmes souvent ralentis et marécageux. « Rub » est un monstre de compacité oppressante, ce probablement du au mix mat et équidistant (mais trop brouillon, le bémol de l'album...) de Kyle "HarveyMilk" Spence. La guitare se joue à saturation naturelle, sans artifices, ni solo parasite (ou si peu), avec ce qu'il faut de vibrato chauffé à blanc entre deux larsens. La section rythmique épouse de près le propos et presse pesamment sur le frein pour mieux s'offrir de petites accélérations entre les rares brèches (« Late Bloomer », -vide ci-dessous- « Royalty »..) ; pour mieux rappeler que c'est meilleur quand c'est long, lent et visqueux. Nul doute que ce chanteur à l'équilibre reptilien en mode auto-combustion se pose en parfait frontman possédé et totalement dérangé du bulbe. Le genre de gars qui aurait échoué comme prédicateur pour l'Eglise des Saints Derniers Jours si ce groupe n'avait pas été sa dernière bouée de sauvetage.
C'est rugueux comme un goût de papier de verre dans la bouche qui ne disparaît qu'avec une bière de trop. Chaque morceau distille un poison sans antidote et s'insinue lentement au cœur de nos cellules mauvaises. C'est cru, ça sue et ça saigne dans la lumière blafarde des néons grésillants, loin de toute beauté à l'esthétisme bien pensé ; c'en est obscène et obsédant.
Le plus frustrant est peut-être d'extrapoler sur le potentiel scénique du monstre, si peu probables étant les chances de les voir régurgiter leurs plaintes brûlantes sous nos latitudes ingrates.
Le rock est mort ? Les HAWKS prouvent le contraire en enfonçant le manche de leurs guitares jusqu'à la garde.

L'Un



HAWKS - "Rub" (TransRuin. 2011).
on peut écouter et se procurer l'album ici 

vendredi 3 février 2012

HAZEL-RAH : Africantape Ep

Oscillant entre jazz orchestré, rock tendu, et pop, H-R est un petit ovni, sans prétention mais avec de beaux bagages. Une production très appropriée, léchée mais pas trop, pas la grosse compression mais au contraire une clarté de production qui résonne à la clarté du propos : complexité et énergie.
Ce combo est un ènième avatar de Tim Byrnes ; il est accompagné par Adam Minkoff, David Andrew Moore, et Charlie Looker (membre aussi d’Extra Life).
Bonne occase que la sortie de ce « Africantape EP » pour parler de leurs compos progressives, énergiques, noise, que la scène ne fait que valoriser. Et pour saluer en cette même occasion le label Africantape, bravade énergique à la soupe des majors, alternative salutaire éditant des groupes qui ont oublié d’être sages, délaissant l’eau du vin pour pouvoir mieux le boire…
Sur leur soundcloud, un titre comme « pull » ou « ty » qui le précède vous entraîne dans le sillage d’ensembles comme Naked City, l’apocalypse en moins peut-être : à ceci près, dira t’on que les compos sont déstabilisantes, déstabilisées, frisant la désharmonie et l’arythmie. On peut écouter dans la foulée le groupe italien Dispo, adepte lui aussi de ce son brut, de cette tension vers le point de rupture, et de ces envolées lyriques sans pour cela être emphatiques. Petits frères du math rock, ils renouvellent sans réveiller les morts.
Car on écoute là une grande technique instrumentale au service de la recherche du dépouillement : ils ont bien retenu l’histoire, à ne pas étaler leur maîtrise pour écrire des morceaux complexes, à même de nous faire décrocher. Restant sobres en en mettant pas trop de beurre sur leur tartine. Captain Beefheart n’est pas loin non plus, mais il a été remercié en cours de route par mr Byrnes, l’humble. Les morceaux sont donc courts, favorisant une libération d’énergie immédiate !
A écouter de préférence avec acharnement, persévérance, et à fort volume, juste pour se rappeler que le monsieur fait parti du combo de Ron Anderson, PAK !


L’Autre

Africantape Ep : sortie fev 12, un titre en écoute : http://africantapegroup.bandcamp.com/album/the-africantape-ep
Et du son ici : http://soundcloud.com/hhazel-rahh