vendredi 2 décembre 2011

SCORN "Yozza" vs SUBMERGED "before fire I was against other people" ; une histoire d'Ohm...

Ohm/Resistance, c'est ce petit label créé par Kurt GLUCK (aka SUBMERGED) qui monte
tranquillement dans son coin sombre, réunissant en rangs serrés la fine fleur (ou les derniers mohicans) d'une certaine idée cathartique de la musique aux confins de l'électronique torturée et des manipulation métalliques. Cette petite internationale underground survit en autonomie totale, hermétique à ce qui se passe, ce qui se dit, ce qui se fait. Et du coup que je m'invite sur ton dernier projet en guest à brûle-pourpoint, et que tu me remixes un de mes morceaux en retour, courtoisie et bon voisinage obligent, et que se tissent tranquillement des petits side-projects ovnis incontrôlables.
Il en va ainsi, le label, enchainant à un rythme étourdissant les parutions, avec peut-être une légère inflexion dans son âpre ligne éditoriale.
Pendant ce temps là, « on » vous aura convaincu que l'industrie du disque se meurt ma chère, et que le téléchargement illégal c'est pas bien, c'est mal, et que les grosses majors n'y retrouvent plus leur moutons (gras) dans dans cette arène peuplée de têtes de veaux (de Panurge). Ben voyons... Chez Ohm/Resistance, une bonne partie du catalogue est en écoute gratuite, mais c'est bien connu : les riches ne prêtent qu'aux riches et se reproduisent en partouzant entre eux alors que ces pauvres de pauvres doivent avoir bien malgré eux le sens du partage à défaut de mieux, mais c'est s'écarter de notre rapide balayage de deux « récentes » productions chez nos chouchous du moment (voir les chroniques de BLOOD OF HEROES et GATOR BAIT TEN sur le blog !).

Honneur à l'ainé, vétéran des guerres infra-soniques, et pionnier à contrecœur d'un genre pas vraiment défini, le dubstep, Mick « SCORN » HARRIS nous revient moins d'un an après la sortie de « Refuse : start fires » (même label), considéré comme l'album du retour inespéré et de la créativité retrouvée de Sir (oh l'insulte) Mick, qui prolongeait ainsi son œuvre en mutation permanente après quelques années de graves incertitudes (malgré le superbe « Stealth » en 2007).
Personnellement, j'ai toujours eu du mal à situer un nouveau projet de SCORN par rapport au reste de sa discographie. Peu de points communs entre le « Vae Solis » d'il y a 20 ans et le présent EP, même si le premier encore englué dans des restes de metal chauffé à blanc concentrait déjà toutes les scories et ruminances ambient/dub/break beat du SCORN en devenir . Mais l'espace entre chaque album successif est lui plus ténu et semble plutôt obéir à une implacable logique réductionniste qui force à douter sérieusement de la capacité de l'artiste à se renouveler sur l'album d'après, s'il n'a pas décidé de tout plaquer pour se perdre dans la pêche à la truite entretemps...
Et « Yozza » vient en parfait à-propos en forme de contrepoint.
Quatre titres donc et à peine 19 minutes qui pourraient sonner comme une petite compilation d'inédits, dans le prolongement de « Refuse : start fires ». Sauf qu'à nouveau le processus mutant est en marche et ce n'est déjà plus une simple extension du précédent. Toujours ce fourmillement d'ambiances souterraines appuyées par une rythmique nauséeuse et cassante, et là aussi quelques parties de batterie « organiques » (toujours assurées par Ian Treasey). La différence ici tient dans un mix in the red qui flirte dangereusement avec les limites théoriques d'une membrane d'enceinte et un retour à la sacro-sainte trinité du dub, du vrai : un beat sec et massif, des infra-basses à s'en péter la rondelle et une avalanche d'effets.
Monolithique et impérial, SCORN nous joue bien du SCORN, vecteur rampant de toutes les angoisses claustrophobes et nauséabondes de son créateur englué dans un espace-temps qui n'est pas le sien ; le notre.
Il y aura toujours une place réservée sur l'étagère près de la chaîne pour un énième SCORN, si celui-ci n'a de cesse de nous conforter dans son sens tout en continuant de nous étonner.

Le cas SUBMERGED est ce qu'on appelle dans le monde des affaires un bâton merdeux : avec le précédent (et judicieusement nommé) « Violence as First Nature », il est plutôt difficile de plaider sa cause. Le ton est donné, même si le titre de son nouveau brûlot laisse entendre un soupçon de rédemption. Avant que ça crame, donc, je n'aimais pas trop les gens...Ou quelque chose comme ça. Le « j'aime pas les gens » est un mantra par trop souvent entendu , qui continue à faire de bons scores à la une sordide de nos bons quotidiens nationaux...
Alors avant que ça crame, Kurt GLUCK aura effectivement versé de l'eau dans son vin mauvais : les deux premiers morceaux sont apaisés et planent tout en volutes et... arabesques. « Space Arabs » n'est pas très éloigné d'un remix tranchant de feu MUSLIMGAUZE alors que « Nowhere to Hide » porte nettement l'empreinte de Mick HARRIS venu prêter main forte.
Des morceaux qui sonnent plus comme un prélude qu'un tournant dans le travail du type. L'agressivité suinte à chaque claque rythmique et on attend la suite : on attend que ça pète. Les morceaux suivants (dont l'exemplaire « No One ») sont exécutés à la tronçonneuse à chaine de bucheron et arrivent à point nommés, assouvissant nos pulsions linéaires violentes. Enfin...
Musique électronique saturée et extrême, jamais loin du monde du rock dans sa tendance la plus dure, avec des morceaux ralentisseurs en forme de stop & go, probablement inspirés par les multiples rencontres et collaborations du Colonel Kurt. Le diptyque final subtilement (sous-)titré « Alive » puis « Dead » achève le set sur une note d'Apocalypse selon St Kurt avec le crunch de guitare et les inimitables imprécations de Justin K. BROADRICK.
Alors c'est CA, être en vie ? Dead en revanche on le sait, on l'est déjà tous.
Petite musique de nuit, suburbaine et misanthrope à souhait aux confins de la sociopathie.
Ça ou l'odeur du napalm au petit matin... 


L'Un

SCORN : "Yozza" ep. (Ohm/Resistance. 2011)
SUBMERGED : "Before fire, I was against other people" (Ohm/Resistance. 2011)

Tous les titres de SUBMERGED et de SCORN en écoute sur le site d'Ohm/Resistance
Site de Karol Lasia aka KHOMATECH, graphiste quasi attitré du label



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