jeudi 27 octobre 2011

DOC IMPRO JAPONAISE : WE DON’T CARE ABOUT MUSIC, ANYWAY


Le dispositif est simple : à la façon d’un plateau tv, un débat est engagé entre des activistes de la scène improvisée japonaise : une douzaine de visages faiblement éclairés, mise en scène sobre, sans vrais décors ; des personnages pris sur le vif, attablés comme pour un bon repas en somme… et cela pour aborder des thèmes certes pas originaux de par leur problématique, mais d’un intérêt fort quant aux angles d’analyses présentés.
De par son histoire, la musique japonaise est déjà originale par nature, elle l’est aussi par les instruments utilisés, mais elle l’est surtout par le manque d’emprise qu’a pu avoir la pop musique durant un long temps sur la création. Pas de format, juste des inspirations, des émergences, des échos à ce qui se fait ailleurs. En fait la musique japonaise d’aujourd’hui a su montrer plus encore que d’autres médias, sa grande liberté, et son absence de limites : ses acteurs ont fait preuve au fil des décennies d’une maturité doublée d’une puissance scénique issue d’une désinhibition totale. Et l’on peut dire que la scène noise et improvisée est particulièrement prolixe. Je ne vais pas citer des noms mais le lien ci-dessous vous emmènera sur un répertoire des plus importantes personnalités. Et ne ratez pas l’extrait d’un live improvisé à la sortie de dvd au Japon, y’a bon !
Le documentaire « we don’t care » donne à entendre quelque uns de ces musiciens en exercice : instrumentistes, bidouilleurs de sons, performeurs, plusieurs générations sont côte à côte et se portent de façon attendrissante un profond respect mutuel… d’autant que leurs approches montrent un nombre important de points communs qui nous les présentent finalement comme une grande famille. Pas de bagarre à la fin de ce repas de mariage ici, on est entre gens qui savent vivre, et bien.
Le réalisateur, effacé pour mieux les inviter à librement parler, les met en scène cependant par de petites scénettes d’improvisation musicales dans un lieu de leur choix (canche, bâtiment industriel, appartement, cave…) : bien vu car il est encore plus parlant de les voir avec leur moyen d’expression de prédilection dans un environnement subjectif : par leur choix déjà et aussi par leur identité sonore. On en apprend ainsi un peu plus sur l’empreinte de Tokyo sur ses habitants.
C’est souvent le sourire aux lèvres que les improvisations mélangent leurs sons à ceux de la ville, aux résonances minérales. Et ces petites scènes dialoguent d’elles-mêmes avec les discussions autour de la table. On en apprend beaucoup, et on écoute silencieusement ce qui vient de cette fenêtre sur les antipodes, pas si éloignées que cela. l'influence d'Otomo Yoshihide en Europe est extraordinaire par exemple...
Ma scène préférée ? peut-etre celle dans l’usine abandonnée, au violoncelle…et vous ? la scène de la plage?

L'Autre
Site de musiciens japonais : http://www.japanimprov.com/
La vidéo du live sur les énergumènes : http://lesenergumenes.blogspot.com/p/videos.html 

jeudi 20 octobre 2011

ÔM : "God Is Good" (un vaut mieux que Dieu tu l'auras...).


God is good...
Dieu est bon.
Bien, ça les gars...
De ces groupe en quête du souffle infini de l'extase, tapis au fond d'un local de répèt' sous la lumière blafarde d'un néon grésillant.
Godisgood : on va se réciter ça tous les soirs à la lumière d'une bougie, les jambes ankylosées en position du lotus, histoire d'attendre une fin du monde imminente.
godisgoodgodisgoodgodisgood... 
ÔM.
Bon... examinons un peu plus sérieusement la Bête.
ÔM, est un duo basse-batterie né des cendres des mythiques SLEEP, plus lent plus lourd, c'est Black Sabbath. Au fil de quelques albums, ÔM aura exploré un versant tout aussi hypnotique mais plus rituel et dépouillé que le métal rampant du groupe précédent. Pour God Is Good, la basse déliée et ronflante d'Al Cisneros est appuyée par un nouveau disciple batteur Emil Amos(qui joue avec les post-rockeux de GRAILS). Et guru Steve Albini derrière ses manettes magiques, s'improvise monsieur météo de la petite aventure spirituelle.  
En route pour la Délivrance sonique.
Le concept ÔM reste invariable, invitation à l'hypnose sur un riff de basse souple et dynamique qui tourne progressivement, quoique le nouveau batteur l'accompagne de façon plus soutenue, tout en roulements saccadés et cymbales arabesques. Cisneros débite ses litanies d'une voix monocorde, comme d'autres des assertions poétiques.
Petite nouveauté aux conséquences incalculable sur cet album : par petites touche, ça et là, l'adjonction de flute traversière ou du bourdonnement d'un tempura indien (et de quelques cordes frottées), instruments du divin s'il en est, se plaçant de la sorte en parfait contrepoint de la section rythmique. Boucle bouclée en un long mantra œcuménique.
Loin, très loin, toujours plus haut, le duo accomplit le grand écart mystique entre rock velu et orient fantasmé. On est pas si loin du métal de SLEEP (et de son bien nommé « Dopesmokers »), la guitare en moins, les accents sabbathiens nuancés d'une dose de Pink Floyd circa 68' halucinné. Le propos captive et séduit, le message se distille aussi suavement que les bâtonnets d'encens chatouillent les narines et dilatent nos chakras ébahis : Dieu est en tout, même s'il n'est pas...
Un (trop court) album à élever et ranger sans complexe aux côtés d'un Terry Riley, du « Stimmung » de Stockhausen et bien évidemment du lumineux « A Love Supreme » de John Coltrane, pour d'évidentes  et communes obsessions syncrétiques. 
Etrange ascension.
Fly me high, bien perché.


L'Un

ÔM : « God Is Good » (DragCity.2009)
et aussi :

dimanche 16 octobre 2011

ERALDO BERNOCCHI & HAROLD BUDD: Music for fragment from the inside


Vous êtes sereins, bien sûr, détendus de partout; moi je le suis bien là. Rien de spécial n’est à venir. C’est le week end, calme, sans bruit. L’idéal moment pour mettre la chaîne fort pour une musique en souplesse. Et c’est le duo que je choisi. Quelques sons d’ambiance, des voix dans une réverbération suggérant un grand espace, sans parasites. Paix intérieure respectée.
 
Un souffle, des vibrations dans l’espace, un piano s’anime. Des notes en souplesse se glissent dans l’air frais. Frais il l’est, le volume qui les contiennent envoient à l’auditeur des sensations d’étendues vaporeuses. Les notes s’allongent certaines fois jusqu’à leur fin, loin, très loin. Harold Budd est un pianiste à la recherche du minimal, loin d’effets virtuoses, il cherche à s’immiscer tout au fond de l’oreille sans perturbation aucune…paix intérieure entretenue.

Eraldo Bernocchi ne va pas chercher à briser ces moments en suspension, et souligne plus qu’il ne trace, les quelques arabesques de son collègue. Effets de synthétiseur et multi-effets korg, kaosspad pour les intimes (hautement reconnaissable car beaucoup utilisé depuis dix ans, on a de quoi s'en lasser; mais bon, le chocolat c’est le chocolat, et on ne s’en plaint pas !): il soutient la fluidité du propos. Poésie en devenir au fil du suspens renouvelé en permanence. Beauté d’instants jouant sur le ralentissement du temps. Paix intérieure renouvelée.

Les seuls quelques moments qui font décoller les morceaux, si besoin était, arrivent avec l’incursion de batteries synthétiques elles aussi, qui rappellent celles bien rondes sur les disques collaboratifs de Bill Laswell, notamment sous Material ; je me demande même si la ligne de basse du fragment 5 n’est pas de lui… puis sur la balade langoureuse du 6 ème. Un bonheur. A l’origine cet album a été enregistré pour illustrer une installation plastique. Il illustre, un point c’est tout. Décontextualisé, c’est un magnifique soutien à l’imaginaire en mouvement, lent certes, et ça fait du bien de ne pas imaginer tout le temps une scène de poursuite en bagnole en écoutant une B.O.!

Le chat est encore sur les genoux, c’est un signe, reprenons un verre de vin. Paix intérieure.

L'Autre

Music for fragment from the inside, Sub Rosa, 2007

dimanche 9 octobre 2011

CASPAR BRÖTZMANN MASSAKER : "Koksofen"

Brötzmann fils ; Caspar. 
Le père, Peter, officie aux saxos et anches folles depuis plus de 40 ans à la tête d'une sorte d'avant-garde européenne free et radicale. Caspar, enfant. 
Ingurgiter l'excès sonore, la dissonance comme art de vivre brut et austère. Un modèle implacable.  Adolescent, on manipule une guitare, on gratouille et prend la pose devant le miroir. Caspar, ado, lui se saisit de l'instrument et s'absorbe à le démonter pour mieux dé-construire. En atteindre la substantifique moelle... 
Tuer le Père. 
Communier avec lui. 
Instrument vaudou. 
Et puis de monter un groupe... C'est normal : c'est le triste Berlin, de la fin  des 80's, pendant que tombe le Mur, pendant qu'on se fait chier. Kreuzberg... Tempelhof... On monte un groupe. 
Une basse ronflante, une batterie lente et appuyée ; une structure rythmique massive et solide qui colle au cadre des échappées austères d'une guitare folle et vengeresse .
Le Caspar Brötzmann Massaker c'est la redescente de trip lourde et brutale d'un Hendrix qui se réveillerait un matin d'hiver à Berlin avec les gars d'Eintuerzende Neubauten et Nick Cave pour compagnons de comptoirs embués... 
Salve de notes acides comme une pluie, chape plombée sur la Forêt Noire. Une technicité appliquée qui s'efface pour laisser la transe rituelle, froide et mécanique de mise en abîme prendre le dessus. Point de guitar hero mais une guitare héroïque à l'onirisme sauvage et contrôlé. 
Claustrophobie de paysages industriels en berne traversés de violents électrochocs. Musique de haut-fourneaux. 
Rigueur teutonne rencontre fougue d'un free rock échevelé, un peu comme le mauvais mélange de bière et de whisky bon marché dans un verre en cristal ébréché... Ou exactement son contraire. Largement sous-estimé, donc hautement recommandé.

L'Un

du son sur : 
http://www.myspace.com/casparbroetzmannmassaker
et un peu d'image :
http://www.youtube.com/watch?v=bM2sVpIUCCE

Caspar Brötzmann Massaker - "Koksofen" (homestead. 1993)


lundi 3 octobre 2011

LABEL REPHLEX : 20 ans !

C’est à 20 ans que Richard D. James s’allie avec Grant Wilson Claridge pour monter un label : l’envie de ne pas faire partie du circuit buziness du disque est donc simplement à l’origine de ce qui est un label des plus marquant à mon sens des années 90. Les galettes sorties ont compté pour nombre de musiciens, car en l’espace d’un an, ils avaient déjà une distribution internationale : l’auditoire se crée exponentiellement, comme une traînée de poudre, oui ! L’originalité des sons, la variété rythmique, l’abondance des sorties, et l’attrait d’une musique sans concession dans la foulée du mouvement d.i.y. des années 80. On retrouvait là, l’énergie punk, hardcore, la fraîcheur et la désinhibition. Un souffle nouveau.
90 sorties en 20 ans, la majeur partie dans les premières années, avec une quinzaine de participants et non des moindres : tout d’abord Richard D. James de son nom de scène le plus connu, Aphex Twin : il apparaît avec ses premières galettes sous AFX. Une dizaine d’autres suivront sous divers labels, les participations les plus fortes s’écoutent chez Warp record, anglais encore.
Mais bon même si ce cador mérite un article, je m’attarde plus aujourd’hui sur ses coéquipiers : tout d’abord Mike Dred, alias Kosmik Kommando, parce qu’il est véritablement une figure de proue : 3 albums et de nombreuses participations, mais surtout un homme du live ; il joue très régulièrement et à pour principe de jouer en direct avec des machines : sampleurs, boites à rythmes, il y a de la place pour le hasard. Et pour l’énergie du direct, encore plus important. Ses premiers jets house s’orientent rapido vers le breakcore et le breakbeat : comment user les semelles des danseurs, puissance 10 ! Cinq Ep’s portant les lettres A à E vont sortir de 93 à 97. Puis il va s’efforcer avec succès de créer un son mêlant la machinerie et les sonorités électroacoustiques, donnant une dimension plus « intelligente », pour reprendre l’appellation IDM que l’on a attribué au label ainsi qu’à Warp d’ailleurs : Intelligent Danse Music. Pas très futés les journalistes là-dessus, pouvaient mieux faire.
Leila, actrice sensible de cette scène essentiellement anglaise au début, joue comme une productrice : recherche de sons, utilisation de sons ethniques, de percussions rappelant le moyen orient dont elle est originaire. Et le tout piloté de la console. En studio, c’est joli, cisellé et fin, en souplesse, suffisamment original pour et suffisamment familier pour enjôler son auditeur. De la belle ouvrage. Elle a publié aussi des albums sur Warp…décidemment ! Luke Vibert, & Squarepusher alias Tom Jenkinson, sont dans le même cas, et sous des alias parfois, ils ont développé leurs rythmiques athypiques, jamais binaires, en micros coupures, cassures, qui pour Squarepusher frôlent des sonorités jazzy, du vrai jazz je veux dire. Adepte des samples de contrebasses et de batteries sèches, c’est l’alliance plus que le combat de la chaleur et de la rigueur. Des morceaux eux-aussi reconnaissables entre tous, une nouvelle fois. C’est la marque du label je vous le disais.
Comme Luke Vibert, Aleksi Perala est un petit jeune qui groove ; ils sont les enfants des précurseurs, travaillant humblement à faire évoluer une électro savante pas chiante. Creusant le sillon qu’ont ouvert afx et son associé, loin de la linéarité du mainstream. Mike Paradinas alias U-ziq, est lui le chaînon entre de la musique classique et l’électronique. Ses morceaux prennent le temps, les sons s’allongent, sans être ambiant ; juste des plages que ponctuent des craquements rythmiques, des sursauts de cuts oubliés. Et Pierre Bastien, ce français au travail poétique, mélange de bricolage et de poésie sonore électroacoustique, inventeur de montage de machines étonnantes.

Il y a de quoi voyager, du petit déjeuner planant avec U-ziq, à la nuit fiévreuse guidée par Mike Dred… quasi tout est écoutable sur le site du label !... ne pas se priver !

L'Autre

Et Soirée anniversaire Rephlex à Bourges le samedi 22 octobre 2011 au Nadir : emmetrop.fr.fm
Site de Rephlex : http://www.rephlex.com/artists