dimanche 31 juillet 2011

FRANCIS FALCETO / ETHIOPIQUES / TERP RECORDS


Les Ethiopiques, coup de cœur, ou comment effectuer un rebond professionnel en tout point profitable…
Pourtant tourné vers l’extérieur depuis ses programmations au sein d’une salle rock comme on les qualifiait alors (l’après-punk, l’avant Smac), il ouvrait ses soirées aux musiques du monde, à l’expérimentation, au noise, au free. Ouverture parfaite pour avoir de l’avenir dans ses oreilles hardies : Francis Falceto, comme quelques autres, ce n’est pas question de génération, juste de clairvoyance et de curiosité, se donne les moyens de sortir du formatage programmé. Il se permet ainsi des rencontres prolifiques, loin du tintamarre médiatique. L’Ethiopie se donne à lui lors d’un voyage, et depuis 1985, et notamment avec la rencontre de Ahma Eshèté, producteur de nombres de perles historiques, découvre la chaleur des rythmes abyssiniens.
Cette entente avec Ahma Records (existant depuis 1969) est déterminante pour ouvrir les portes de la réédition, et la collection Ethiopiques naît pour valoriser la période de fin des années 60 à fin 70. Il recense près de 500 disques étant sortis, le travail d’archive puis d’exhumation démarre. Trouvable à prix modique, le panorama "éthiopiques" nous fait frémir jusqu’au bout des jambes : Mahmoud Ahmed est l’un des plus connus, utilisant sa voix au sein de l’Imperial Body Guards (ethiopiques vol 26), puis voyageant et expérimentant avec des musiciens du monde entier, de Boston à Amsterdam comme le saxophoniste Getatchew Mekuria (vol 14). Tous ces fantastiques musiciens ont éclusés les bars et boites d’Addis Abeba, tous les week end comme partout ailleurs dans le monde à ce moment là, insouciance d’une jeunesse que la musique anime. Expression singulière de l’isolation vécue par les éthiopiens et qui leur ont conféré cette particularité musicale.

C’est le film de Jim Jarmush, Broken Flowers, et les morceaux de Mulatu Astatké, qui va permettre à ces artistes d’être réécouté des jeunes générations. La musique au service du cinéma, et le cinéma qui lui rend bien : la collection Ethiopiques prend place sur Buda Musiques, et va favoriser dans les années qui suivent les tournées de nombres de musiciens.
Alemayehu Eshèté (vol9), autre vocaliste, est affublé d’une comparaison avec James Brown : ce plus sage et moins dictatorial que l’icône (mais mon avis c’est que ses pattes et les pattes deffs y sont pour beaucoup dans la comparaison), est un digne représentant d’une tendance entre jazz et rythm blues. Plus en détails, on peut dire que le mélange intègre aussi la soul, et les musiques traditionnelles, pour constituer l’éthio-groove. Malheureusement, encore une fois la dictature va avoir raison de la culture populaire : 25 ans années seront nécessaires à l’exhumation…pour sortir de l’ombre des orchestres militaires !
Les alliances de certains avec des musiciens d'horizons différents les rapprochent et ne cessent de m’en rapprocher. Pourtant de culture rock, le tempo souvent soutenu, les gimmicks de guitare jouant entre rondeur et sautillement, tout construit une transe qui va au-delà de tous styles, vers tous les auditeurs : une espèce d’universalité du frisson, un langage du rythme qui ne demande pas à être traduit, une intériorité mélodique partagée quelle que soit notre histoire musicale personnelle.

Enfin j’ai vu récemment en concert les Impérial Tiger Orchestra, groupe suisse virtuose (si–si !) pratiquer « l’éthio » avec leurs tripes, et transmettre ça au public trépidant. Un prolongement salutaire digne de pionniers comme mr Mohamed Jimmy Mohammed (terp african serie n°10) qui m’avait hérissé les poils lors d’un fantastique concert avant de tirer sa révérence : assis sur son siège, ses yeux blancs tournés vers le fond de la salle ou vers le ciel, il semblait puiser ses paroles dans l’ambiance formée par le public, au plus profond de chacun et à l’écoute des musiciens l’entourant, battant des mains, la jambe droite trépidante...sa voix pure flottant entre les instruments.

L'Autre

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