dimanche 29 mai 2011

BADAWI: Soldier Of Midian

Badawi, de son vrai nom Raz Mesinaï, est né au Moyen Orient, et vit à New York. Par choix puisque celui-ci voulut se libérer d’une image hégémonique de son pays d’origine. Son imprégnation universelle s’affirme d’abord dans la participation à la scène illbient et dub électronique dans les années 90, mais contrairement à bon nombre de performeurs, il ne se contente pas de se plugger sur le sound système, il s’interroge sur celui-ci et surtout sur l’utilisation que l’on peut en faire pour qu’il y ait une transmission à l’auditeur par la déformation du son. L’idée de « bender » la pensée est déjà là. Il poursuit donc sa route… Après avoir partagé la vie des bedouins (badawi signifie bédouin) dans le désert, il axe son travail sur l’imprégnation des univers sonores croisés sur sa route. Il définit ainsi son propre style, puisant dans des rythmes derviches palestiniens, des percussions persanes et des banghras indiens. Ce globe trotter devient instrumentiste puis s’initie plus encore à l’électronique pour utiliser ces outils afin de restituer la mémoire sonore des communautés traditionnelles. Et aussi d’événements comme la situation en Irak… après de nombreuses collaborations (DJ Spooky, Kode 9, Sensational…), il livre en live une musique de transe, expression multiple des saveurs de la sono mondiale. D’ailleurs la majeure partie de son travail édité provient de moments de lives, uniques instants de vérités.

Je l'avais découvert il y a 10 ans avec un remix des Japonais (post-rock) Mono. Soldier of Midian, quant à lui, est un album perturbant, pour la simple et bonne raison que c’est un album, juste un album ; les morceaux qui le composent sont autant d’amorces de rythmes de transe, percussions ethniques vibrantes, pulsations venues du passé qui vivent encore cette fois par l’entremise de l’électronique. Mais qui malheureusement nourrissent dans le même temps la frustration de par le format court: ce qui est fait pour vivre 30 minutes, voire plus, induisant d’enivrantes danses, montant lentement les intensités percussives, permettant de s’oublier, libérer le corps, ne dure à chaque fois que 3 minutes….
Alors que faire ? L’écouter est de toute façon conseillé comme une grande partie de sa discographie; se le passer en boucle peut permettre de ressentir la transe au-delà des 3 minutes allouées… autre solution, dernière dans ma besace pour l’instant, vous rendre au Nadir, à Bourges, lieu où il effectuera l’une de ses deux (seules) dates françaises : c’est le samedi 11 juin 2011 à 21h, et il sera accompagné de HHY, tenant portugais d’un dub sombre, et des Macumbas, combo psychédélique auto proclamé voodoo, qui entreprendront donc séparément puis ensemble, une transe qui durera la soirée entière…c'est de la promo oui, mais utile...


post scriptum: le concert fut la confirmation du magnifique travail de producteur de Raz Mesinai: des sons restant bruts, puissants, s'enchevêtrant les uns dans les autres pour organiser une répétition qui n'en est jamais une. les sons se succèdent par glissement; c'est un solide château de cartes. car l'essentiel est travaillé de l'intérieur: des graves massifs, on est dans le dub pas de doute, des aigus pointus mais jamais agressifs, et surtout un traitement extraordinaire des médiums, intelligent, naviguant sans cesse par delay à droite et à gauche. 70 minutes où une partie du public, hypnotisé s'est même assis pour écouter sereinement, tout en intériorité...et la mise en bouche transe des Macumbas n'y était pas pour rien!!!


L'Autre


son site avec des enregistrements inédits: http://www.razmesinai.com/index.html

dimanche 22 mai 2011

EXHAUST: Enregistreur de Vol

Tout de suite : ce putain de son bien perché dans les graves.
Une sinusoïdale ample, ronde et profonde qui enveloppe la fragile rythmique de la batterie aux boucles tout en fractures. La vibration oscille, se fait incertaine. Se dissout en myriades de cliquetis polymorphes et non identifiés, de bruits blancs résiduels, de bandes trafiquées..
C'est précisément vers ces marges inexplorées, aussi fragiles que peuvent être ces petits espaces interstitiels des confins tectoniques que le trio s'évertue à nous emmener, alternant entre le malaise d'une linéarité oppressante et le pressentiment rampant de la dislocation imminente.
Drum&bass pour névropathes illuminés ?
Psycho-dance d'une topographie des champs magnétiques invisible ?
Réappropriation des méandres cachés d'une boîte noire par l'artiste ?

Ecouter EXHAUST, c'est s'enfermer dans une pièce sombre et feutrée pour se laisser envahir par cette pulsation organique, une colonne d'air raréfié.
Infra basses dans les tripes pendant qu'on vous vrille les oreilles avec un coton-tige électrique. Massage cardiaque syncopé ; probablement là où CAN ou NEU! se sont arrêtés : juste un peu avant la schizophrénie rampante.
Turbulences...

L'Un

EXHAUST, Enregistreur de Vol, Constellation, 2002
En écoute sur le site du magnifique label: http://cstrecords.com/cst021/  

lundi 16 mai 2011

BEASTIE BOYS : Hot Sauce Committee Part 2

Quelques écoutes plus tard, me voilà à me dire je vais pondre quelques lignes là dessus, rien que pour parler de ce rapport si particulier aux productions des Beasties. Car leur son si personnel à réussit à populariser le hip hop au-delà des étiquettes. Bien joué !
On retrouve dans ce dernier opus sorti ces jours-ci et en écoute au lien ci-dessous, des petites pépites que l’on aurait pu entendre du temps de « Fight for your Right », tel le morceau introductif « Make some Noise ». Des chœurs de post ados lestés par une rythmique sautillante, le ton est donné, on va le retrouver au long de cette heure qui va nous balader dans des morceaux variés comme le reggae-dub « Don’t Play No Game That I Can’t Win ». Pourquoi continuer encore d’écouter de vieux groupes dont on peut penser qu’ils ont tout dit ? Peut-être parce qu’ils sont encore capables de nous surprendre, et de donner le meilleur. C’est donc sans se renouveler réellement que le trio entame à l’énergie dans « Say It » un mélange électronique, avec guitare fuzz, et rythmique distordue, et chœurs noyés dans une reverb que l’on a déjà entendue dans un album il y a 15 ans. Et le thème « Fonkey Donkey » reste frais lui aussi !
Alors je me suis laissé gentiment emmené pour ne pas me formaliser au minimal 11eme morceau constitué d’une boîte à rythme style tr 303 et de minis synthés bricolés aux tonalités claustrophobiques : la voix filtrée à outrance glace comme une bande son de film d’horreur, dans une ambiance toute expérimentale ; elle précède une envolée carrément rock, instruments et distorsion à l’appui, tout en énergie. On a le sourire aux lèvres, ça envoie ! Pour résumer, j’ai cru avoir un panorama, non suranné, de leur potentiel et de ce qu’ils ont pour l’instant réalisé dans leur carrière ; mais heureusement avec le petit truc en plus, des essais réussis de production, avec des traitements de son en décalage. L’album revêt une fluidité d’écoute, car ils composent encore avec cet esprit mutin, teenages désinvoltes qu’ils semblent toujours être.
Et au vu de ce que l’on peut comprendre des paroles, il y a encore pas mal de gens qui en prennent pour leur grade, de dérision légère à sous entendus plus…méchants. Old school, conscient, groovy, rock, ils sont tout ça à la fois !
Oui, sauf que : la version actuellement en écoute est une version provisoire, car la version « propre », le bon mixage a été perdu… et donc la sortie étant (encore) repoussée, et cela les énervant beaucoup, ils ont décidé de mettre en écoute cette version jugée plus « sale et méchante » sur ce lien : allez-y donc pour profitez de cet avant goût pêchu !

L'AUTRE

Beastie Boys: Hot Sauce Committee Part 2, Capitol, 2011
En écoute: http://blog.beastieboys.com/

et j'en profite pour vous convier à vous délecter d'un court métrage truffé d'excellents comédiens qui s'amusent, 30 minutes dans le Fight for your right revisited

lundi 2 mai 2011

GATOR BAIT TEN: Harvester

La perle noire de l'année 2011.
Rien que ça.

Le label OhmResistance, étoile montante d'une certaine idée de l'underground electro indus sombre enquille depuis quelques temps des sorties heureuses avec cette discrétion de rigueur qui sied à un public averti . On peut citer Blood Of Heroes, les derniers Scorn ou encore Submerged.
Sauf que là, on se débarrasse des machines et de l'électronique histoire de toucher de plus près à l'essence lourde du truc : quelques guitares et basses crépusculaires triturées à l'extrême en nappes planantes qui suintent et collent à la peau comme un climat sub-tropical à la beauté délétère. Pas si loin, mais avec cette juste distance du bourdonnement lancinant de la drone music, ce maitre-étalon de la forme ultime de la coolitude post quelque chose.
Sauf que là, on reste dans un format rock même s'il est hypnotique, lent et reptilien ; la batterie mène le jeu, avec ses martèlement millimétrés assénés sur un rythme martial, tribal, rituel, qui colle aux nappes de basses et guitares qui collent à la peau.

On reste toujours dans le post quelque chose à défaut de vraiment vouloir s'en échapper.
On pense aux Cavaliers d'une l'Apocalypse post-glaciaire. 
On pense à une épique cavalcade dans les restes d'une forêt pétrifiée.
On peut aussi penser à un album inavoué et ahuri du Pink Floyd qui aurait vu un concert des Swans à la fin des années 80's.

Sauf que là, on colle à notre époque, et la descente du trip s'avère lente et douloureuse, sans réelle issue de sortie.
Sauf que là « c'était vraiment la fin, que par cette journée pluvieuse, la vie partait pour de bon,  nous étions submergés par une brume froide et gluante »...
Rien que ça...

L'UN

« Harvester » (OhmResistance. 2011)