vendredi 30 décembre 2011

Luigi TURRA : "KI"

Et c'est LE cadeau fourre-tout de fin d'année : trois pour le prix d'un ! Cette période de pré-soldes où  le commerçant raté s'empresse de refourguer ses articles minables et invendus à d'indécis clients fauchés qui se sentent forcément obligés d'acheter pour offrir quelque chose de quelconque à un vague arrière-cousin de la branche totalement dégénérée de la famille. Sauf que là, on parle d'expression artistique, tout de même,  et que ce petit triple album est LE rescapé d'une sévère sélection  pour la dernière chronique de l'année. Pas mal d'hésitations entre le présent heureux gagnant et le somptueux dernier Kilimandjaro Darkjazz Ensemble tout de velours noir,  et l'anguleux et exigeant SeeFeel qui ferait passer le dubstep pour de la musique de fête foraine (dans une veine plus electro, y avait aussi "Metamorphosis", collaboration entre Melamin & Wicked Sway, mais le label OhmResistance a atteint son  quota annuel de chroniques sur nos pages !). Face à pareil dilemme stérile,  le mieux étant encore d'opter pour la radicalité avec ce petit objet sonore non identifié qui opère aux marges de ce qu'on entend généralement par « musique », et sa démarche peu commerciale avec ses longues plages qui s'étendent sur plus de 40 minutes chacune. Le parfait contre-cadeau, s'il en est, pour notre abruti de cousin  de basse cour élevé aux anabolisants.
Bon. On y est donc.
Ou pas vraiment.
Bouclez vos chakras à la con, laissez les sarcasmes au vestiaire,  une inspiration ventrale profonde et une dose massive de concentration comme pour un jeu télévisé. Un peu d'encens, du gravier à ratisser sous les pieds nus, tonsure de rigueur, et on va pouvoir appréhender le triple « KI» de Luigi Turra, triple anachronisme dans ce monde de pétrole brut obnubilé par l'éloge de la vitesse des échanges biaisés en bourse plutôt que par le temps qui s'écoule le long d'une rivière...
Luigi Turra est un compositeur de musique concrète italien fortement imprégné de spiritualité orientale (ben tiens), et qui recherche  le point d'équilibre auditif entre le silence et une perception tactile du fait sonore (ce qui fait plus sérieux). Il avait auparavant sorti en collaboration avec un certain Shinkei (?), « YU », une petite perle de minimalisme zen qui, en plus d'évoluer sur les marges de la musique, flirte délicatement avec les limites de l'audible. On ne va pas vraiment changer de paysage avec le présent « KI », même si cette fois on peut l'écouter sans avoir à pousser l'ampli dans ses retranchements pour capter l'essence du moment.
Malgré une apparente homogénéité des 3 disques qui le composent (1 : Enso, 2: Ancient Silence, 3 : Shasekishu), chaque morceau semblant être le prolongement naturel du précédent, « KI» est en fait une compilation de pièce écrites sur plusieurs années, certaines déjà éditées en tant que telles.
Luigi Turra, prend donc le temps de poser sa vision organique et ascétique du son sans l'imposer. Tel un moine zen en train de ratisser encore et encore son jardin de graviers blancs, il développe ses manipulations mystérieuses d'objets pas forcément identifiés, noyées dans ce qui pourrait être la vibration prolongée un gong. A l'ombre de l'évidence, il préfère la luminosité du mystère,  koan zen oscillant entre réalité crue et abstraction suspendue.
Sans réel fil narratif, le mouvement se veut ample, profond comme une lente musique d'immersion dont la sérénité qui s'en dégage est sans cesse travaillée par une tension impalpable.
La mise en relief de gestes profanes par le prisme déformant  de sons concrets,  renforcent le côté rituel presque obsessionnel, empêchant à l'ensemble de s'empêtrer dans la facilité d'une boue new-age des plus racoleuses.
Musique sans plans ni ordonnancement précis.
Juste les traces d'une errance méditative ; beauté répétée du hasard du geste.

S'il est évidemment peu digeste de s'enfiler à la suite les 2h30 cumulés des trois disques, chacun d'entre eux peut s'écouter  séparément. Quarante cinq minutes c'est déjà pas mal pour effectuer une sieste tronquée, le sens auditif en éveil, l'œil intérieur qui observe le souffle de sa respiration s'écouler.
Il suffit d'y croire.
En tout cas on n'aura jamais été aussi près de toucher du doigt le bruit du bruit.
Et c'est si rare, par les temps putassiers qui courent.
Happy New Ears, donc (...monsieur Cage) !

L'Un. 

Luigi TURRA : "KI" (And/Oar. 2011)

le site minimaliste de Luigi Turra (il faut cliquer sur le texte pour entrer dans le site) et des extraits de KI et autres sur Soundcloud

vendredi 23 décembre 2011

THE SOUND et autres oublis de l’histoire


Et pas qu’eux… d’ailleurs rien à voir c’est Noël, pas Pâques.
Bref, coincé entre deux festivités, j’ai lu dans New Noise, plus qu’honorable magazine spécialisé, que THE SOUND fait partie des groupes non seulement oubliés, mais figure aussi au panthéon des groupes importants de l’histoire et qui n’a jamais eu la moindre once de gloriole. Il y en a non seulement des paquets, des artistes comme eux, mais on peut dire que cette clique pléthorique force le respect par son écrasante présence. Ou plutôt absence quand on a du mal à aller chercher la Perle au fond de l’Ode, plutôt que la Une au fond du Caniveau. J’en réfère bien entendu à la horde journalistique que l’on a formé sans leur apprendre le fond et qui nage dans une mare de mélodies entendues.
ils font la pluie et le bottin, mondain.
Parlons des SOUND : l’album Jeopardy facilement trouvable (réédité par des aficionados des 80’s, Woodentops, etc…) vous plongera dans les intimités des prémices des années 80. Là où le Punk s’enlise et où la New Wave démarre, la No, la Cold, et des nouvelles voies rock. Ce quatuor londonien s’est profondément imprégné de la richesse de créations des débuts des années 70 et fut extrêmement lucide des perspectives techniques qu’allait offrir la décennie à venir. Ce Jeopardy né en 80 un an après leur naissance annonce un mélange des rock anglais et australiens, les guitares sont en avant avec un chant rageur (Resistance) ; sur le morceau d’intro pourtant, des rythmiques saccadées typiques de la new wave, post mods, annonçaient un chant à la Bauhaus, épaulé de chœurs, et d’une note de synthé… la jeunesse n’est pas dorée ; la crise est passé par là, et elle n'est pas finie. Wire, Echo & the Bunnymen, on connaît, mais là faut rejeter une oreille dessus les amis. Entendre ce groove de basse sublimé par le grain de l’ampli ampeg, basse sur laquelle Graham Bailey mettait parfois des gants car ses doigts finissaient souvent en sang dans les concerts faute de retenue, merci graham… des petites histoires de la sorte, The Sound en est plein durant leur 8 années de vie en commun pleine de S, D & RN’R.
Il n’y a presque que des tubes, de véritables sources d’inspiration pour nombres de combos à venir. Des noms nous viennent en tête au fil de l’écoute, chacun fera avec son bagage, de Joy Division, Cure, à Waterboys. Si la punk attitude les a caractérisé si bien, c’est qu’ils en furent issus, Adrian Borland en premier, avec son précédent trio OUTSIDERS, l’un des premiers groupe anglais à autoproduire son disque en 1977. Et ils ont été nourris aux STOOGES, alors…
Huit albums, des 45 tours, de quoi se refaire une culture un temps détournée par les médias du fond véritable de la création. l'énergie incroyable du premier album a laissé place aux mélodies rock sombres, glaciales parfois, pop souvent. jamais simpliste.
Balayons le mainstream pour être séduit par ce qui a une âme : j’en reviens à mon propos du début, lequel est une suite à mon premier article où je parlais de Cage… car l’exemple de SOUND est frappant : même si les gros médias ont parlé un peu à l’époque de ce groupe, ils ne sont jamais apparus comme important sur les tabloids : pas propres, pas prévisibles, en avance sur leur contemporains.
Là, juste pour marquer que l’on est jamais en avance sur son temps ; on est dans son temps, mais en avance sur ses contemporains, eux, trop dans les ornières de la reconnaissance pour disposer des critères de repérage de l’innovation. Un temps est souvent nécessaire pour une hypothétique mise à jour. "I can't escape myself", chantaient les SOUNDs avant de passer l'alarme à gauche.
Pas besoin d’aller devant les médias pour être artiste; sauf pour prendre position contre les « pirates du téléchargement», à faire le jaune, parce qu’en fait on a préféré les parts d’entreprise de majors compagnies aux royalties…et que l'on a peur de plus vendre de disques. Oui les pro-hadopi, pas de soucis, on vous a reconnu : chef d’entreprises culturelles plutôt qu’ardents défricheurs de rythmes, de mélodies, osant tout remettre en cause.
Sauf que définitivement oui, nous avons tous besoin de télécharger pour combattre notre ignorance en tant qu'auditeurs (pour aller au de-là du piètre choix proposé par les enseignes et par les médias) et en tant que musiciens (car l'auto production et le rapport direct au public par les concerts sont les moyens essentiels pour vivre...et le téléchargement permet ainsi de se faire connaître).
Bah voilà, dernière chronique de l’année des Energumènes, la première d’année, damnée, très agacée, article en boucle sur lui-même vers le premier édité ; mais le contexte social, politique, culturel ne pousse pas à la mesure. Elle a çà de bien "la crise", qu’elle pousse à la réflexion des moyens de défense, de résistance, et de re-création. Bonne bûche aux antis, et bonnes embûches aux nantis !

L'Autre

disques dispos ici: http://www.renascent.co.uk/

vendredi 16 décembre 2011

THE DUB TRIO : "IV"

(avant ?) dernier post de l'année (pour l'Un du moins) avec un de ces groupes en forme de vis sans fin qui viennent (enfin) de sortir leur petit dernier tant attendu. Et sobrement nommé « IV »... parce que le trio sort là son 4° opus, la belle affaire. Vis sans fin parce qu'il fait suite contre toute attente à l'excellent « Another Sound is Dying » en apparence sans issue en radicalisant toujours un peu plus la direction prise par ce dernier. D'ici... on est loin de leur discret premier album en somme.
Les new-yorkais de Dub Trio n'avaient au départ de nom ni de projet précis, sorte de jam session de trois « requins de studio », qui mettent régulièrement leurs talents respectifs au service de grosses pointures (50 Cent, MosDef ou encore les Fugees), ou live avec Mike Patton's Peepin' Tom ou Matisyahu...
Au départ certes, ils exécutaient un dub de bonne facture, si bien que le restaurant où ils se produisaient un soir a marqué sur les affiches... DUB TRIO. Et le nom est resté. On à peine à imaginer la suite si leur musique relevait du flamenco à l'époque...
Virtuoses en quête de sensations, stagner dans un style même ouvert ne suffisait pas à étancher leur soif d'exploration. S'est alors graduellement injectée au fil des albums une dose massive d'un rock tendance dure, qu'il soit punk, métal ou dissonant. Immédiatement, on pense Bill LASWELL, Maître des infra-basses ouvert aux rencontres improbables, voire les retranchements les plus atmosphériques du Painkiller de John Zorn (et Laswell, mais nos 3 gars s'en défendent. Pourrait alors s'établir une filiation plus lointaine avec le rastacore séminal des Bad Brains ou plutôt... Blind Idiot God (fallait la sortir cette référence !), groupe oublié des années glorieuses du label SST, et certainement le plus proche de la démarche du Trio. Mais là aussi les petits gars ne les ont découvert que sur le tard.
Noise-dub-rock donc, banale musique crossover comme on en pond au kilomètre sous nos latitudes fanées, et l'affaire aurait pu en rester là.
Mais si la dichotomie entre les genres était encore palpable avec l'audacieux « Another Sound is Dying » sorti chez Ipecac en 2008, les pistes sont brouillées à l'envi et une véritable hybridation opère avec le présent « IV ». Sans se la jouer «Dub Trio le retour et on va faire encore plus balaise », ils ont au contraire exactement pris le chemin de la tangente.
De dub, il n'en reste que l'essentiel : une technique. Car c'est ce qu'est le dub avant de le limiter trop directement au soleil de la Jamaïque, en frère prodigue du reggae : surenchère d'effets spatiaux, phasing et la table de mixage comme instrument à part entière (avec les papattes de Joel Hamilton – Blackroc, Blood of heroes, Unsane - derrière les manettes)...
Du metal, n'en reste qu'une épure aussi : le son gras de la guitare, la basse à la fois rocailleuse et ronflante, de puissantes syncopes et accélérations mesurées au cordeau. Ensemble lourd et massif, tournoyant sur lui-même comme The Melvins savent faire, et finement ciselé comme DUB TRIO aime à le faire. Une bonne moitié des morceaux de l'album (notamment « Control Issues... » ou « Words ») insèrent insidieusement le squelette d'un dub qui se confond en échos, rappel distant et minimaliste des influences fondatrices du groupe.
Seuls morceaux à s'abstraire du pack sont le dubstep sautillant de« Ends Justify Means », clin d'oeil amusé ou signe de la future mutation déjà en gestation (?), tandis que l'interlud-ique « 1:1.618 » et ses séquences de piano foutraque intéresserait peut-être un certain John Cage s'il avait un tant soit peu versé dans la musique dite populaire.
On tient là un solide album de rock instrumental et éminemment technique qu'une certaine froideur quasi mécanique pourrait rendre rédhibitoire si la compacité radicale de l'ensemble ne venait gommer tout ça de quelques pulsations de basse plombée. Ce n'est pas nécessairement une quête d'originalité à tout prix qu'on encensera ici, mais une démarche méthodique et curieuse en forme d'évidence, rendant le groupe d'autant plus sympathique. A peine écouté le présent petit dernier, on leur demanderait déjà de nous pondre une suite, et tout de suite, histoire de voir un peu, toujours un peu plus.
Can't wait, can't wait...


L'Un

DUB TRIO : « IV » (Roir. 2011)

du son et des vidéos sur leur site.

vendredi 9 décembre 2011

ACTION BEAT: Plus que de la sueur!


Des morceaux en écoute pendant la lecture sur ce gros coup de coeur: http://soundcloud.com/actionbeat  

On résume ça en quelques mots pour démarrer: bière, fumée, gros son, fête à tout casser. Voilà l’esprit rock n’roll toujours vivant affiché par Action Beat. C’est simple, direct comme la petite vidéo démo sur la page d'accueil de leur site le montre bien. Pourquoi en faire plus ?
Deux belles galettes pour illustrer : tout d’abord la déferlante « 1977-2007, Thirty Years of Hurts, then Us Cunts Exploded… », brulôt véritable revendiquant la force toujours présente de la nouvelle génération à vouloir faire perdurer l’esprit qui a animé l’adolescence de la deuxième partie des années 60. Pas dans la mise en place des instrumentations, juste dans la conception primale de ceux-ci. On entend de vifs jaillissements issus d’improvisations, trois accords mis à tourner sans relâche jusqu’à en avoir mis en évidence la substantifique moelle : le groove ! Pour ça, la recette d’Action Beat est simple je le disais au début : autant de batteries que l’on en a, pareil pour les guitares ; si l’on a des bassistes et des chanteurs sous la main, on prend !
Plutôt ouvert comme principe, il n‘en est que plus efficace. Car ce qui est un « side project », entendez un groupe (« projet » comme on dit maintenant dans les milieux professionnels…) composé de membres permanents d’autres groupes. Alors au fil des dates de concerts et des cessions d’enregistrement, viennent ceux d’entres eux qui sont disponibles. Pas plus compliqué que ça. On a le plaisir de regarder cette vidéo démo avec trois batteries, deux chanteurs et quelques guitares, dans un lieu genre cafétéria, entouré de plein de potes qui boivent, fument, et après on sait pas. C’est juste un « teaser ». Faites-vous donc un petit « Daddy Thirsty » en apéro, et vous sentirez quelques relents du premier album des EX avec Tom Cora!!!
Des échantillons de l’album sont en téléchargement gratuit sur leur site, ne vous gênez pas !
L’album le plus récent, « Beatings » (on reste dans la même thématique de titre plutôt rentre dedans), conserve cette énergie, qui est devenu au fil du temps un savoir faire. C’est plutôt une bonne chose que ces anglais soient sur le même label que CRASS. Les morceaux sont carrés, ont fait l'objet d'un véritable travail de répétitions, d'affinage on pourrait dire. La production est très bonne, on se sent proche de ce qui se trame derrière les enceintes. une réussite. Soyez attentifs, surveillez la route en avril 2012, ils seront dessus, en formation complète car ses membres joueront sous diverses formations en plus d’Action Beat. Une soirée entière dédiée au gros son!
Cathartique, vous avez dit cathartique ?...

L’Autre

avec téléchargement gratuit d'extraits dans la partie "download"
Beatings, sur southern Records, 2010

vendredi 2 décembre 2011

SCORN "Yozza" vs SUBMERGED "before fire I was against other people" ; une histoire d'Ohm...

Ohm/Resistance, c'est ce petit label créé par Kurt GLUCK (aka SUBMERGED) qui monte
tranquillement dans son coin sombre, réunissant en rangs serrés la fine fleur (ou les derniers mohicans) d'une certaine idée cathartique de la musique aux confins de l'électronique torturée et des manipulation métalliques. Cette petite internationale underground survit en autonomie totale, hermétique à ce qui se passe, ce qui se dit, ce qui se fait. Et du coup que je m'invite sur ton dernier projet en guest à brûle-pourpoint, et que tu me remixes un de mes morceaux en retour, courtoisie et bon voisinage obligent, et que se tissent tranquillement des petits side-projects ovnis incontrôlables.
Il en va ainsi, le label, enchainant à un rythme étourdissant les parutions, avec peut-être une légère inflexion dans son âpre ligne éditoriale.
Pendant ce temps là, « on » vous aura convaincu que l'industrie du disque se meurt ma chère, et que le téléchargement illégal c'est pas bien, c'est mal, et que les grosses majors n'y retrouvent plus leur moutons (gras) dans dans cette arène peuplée de têtes de veaux (de Panurge). Ben voyons... Chez Ohm/Resistance, une bonne partie du catalogue est en écoute gratuite, mais c'est bien connu : les riches ne prêtent qu'aux riches et se reproduisent en partouzant entre eux alors que ces pauvres de pauvres doivent avoir bien malgré eux le sens du partage à défaut de mieux, mais c'est s'écarter de notre rapide balayage de deux « récentes » productions chez nos chouchous du moment (voir les chroniques de BLOOD OF HEROES et GATOR BAIT TEN sur le blog !).

Honneur à l'ainé, vétéran des guerres infra-soniques, et pionnier à contrecœur d'un genre pas vraiment défini, le dubstep, Mick « SCORN » HARRIS nous revient moins d'un an après la sortie de « Refuse : start fires » (même label), considéré comme l'album du retour inespéré et de la créativité retrouvée de Sir (oh l'insulte) Mick, qui prolongeait ainsi son œuvre en mutation permanente après quelques années de graves incertitudes (malgré le superbe « Stealth » en 2007).
Personnellement, j'ai toujours eu du mal à situer un nouveau projet de SCORN par rapport au reste de sa discographie. Peu de points communs entre le « Vae Solis » d'il y a 20 ans et le présent EP, même si le premier encore englué dans des restes de metal chauffé à blanc concentrait déjà toutes les scories et ruminances ambient/dub/break beat du SCORN en devenir . Mais l'espace entre chaque album successif est lui plus ténu et semble plutôt obéir à une implacable logique réductionniste qui force à douter sérieusement de la capacité de l'artiste à se renouveler sur l'album d'après, s'il n'a pas décidé de tout plaquer pour se perdre dans la pêche à la truite entretemps...
Et « Yozza » vient en parfait à-propos en forme de contrepoint.
Quatre titres donc et à peine 19 minutes qui pourraient sonner comme une petite compilation d'inédits, dans le prolongement de « Refuse : start fires ». Sauf qu'à nouveau le processus mutant est en marche et ce n'est déjà plus une simple extension du précédent. Toujours ce fourmillement d'ambiances souterraines appuyées par une rythmique nauséeuse et cassante, et là aussi quelques parties de batterie « organiques » (toujours assurées par Ian Treasey). La différence ici tient dans un mix in the red qui flirte dangereusement avec les limites théoriques d'une membrane d'enceinte et un retour à la sacro-sainte trinité du dub, du vrai : un beat sec et massif, des infra-basses à s'en péter la rondelle et une avalanche d'effets.
Monolithique et impérial, SCORN nous joue bien du SCORN, vecteur rampant de toutes les angoisses claustrophobes et nauséabondes de son créateur englué dans un espace-temps qui n'est pas le sien ; le notre.
Il y aura toujours une place réservée sur l'étagère près de la chaîne pour un énième SCORN, si celui-ci n'a de cesse de nous conforter dans son sens tout en continuant de nous étonner.

Le cas SUBMERGED est ce qu'on appelle dans le monde des affaires un bâton merdeux : avec le précédent (et judicieusement nommé) « Violence as First Nature », il est plutôt difficile de plaider sa cause. Le ton est donné, même si le titre de son nouveau brûlot laisse entendre un soupçon de rédemption. Avant que ça crame, donc, je n'aimais pas trop les gens...Ou quelque chose comme ça. Le « j'aime pas les gens » est un mantra par trop souvent entendu , qui continue à faire de bons scores à la une sordide de nos bons quotidiens nationaux...
Alors avant que ça crame, Kurt GLUCK aura effectivement versé de l'eau dans son vin mauvais : les deux premiers morceaux sont apaisés et planent tout en volutes et... arabesques. « Space Arabs » n'est pas très éloigné d'un remix tranchant de feu MUSLIMGAUZE alors que « Nowhere to Hide » porte nettement l'empreinte de Mick HARRIS venu prêter main forte.
Des morceaux qui sonnent plus comme un prélude qu'un tournant dans le travail du type. L'agressivité suinte à chaque claque rythmique et on attend la suite : on attend que ça pète. Les morceaux suivants (dont l'exemplaire « No One ») sont exécutés à la tronçonneuse à chaine de bucheron et arrivent à point nommés, assouvissant nos pulsions linéaires violentes. Enfin...
Musique électronique saturée et extrême, jamais loin du monde du rock dans sa tendance la plus dure, avec des morceaux ralentisseurs en forme de stop & go, probablement inspirés par les multiples rencontres et collaborations du Colonel Kurt. Le diptyque final subtilement (sous-)titré « Alive » puis « Dead » achève le set sur une note d'Apocalypse selon St Kurt avec le crunch de guitare et les inimitables imprécations de Justin K. BROADRICK.
Alors c'est CA, être en vie ? Dead en revanche on le sait, on l'est déjà tous.
Petite musique de nuit, suburbaine et misanthrope à souhait aux confins de la sociopathie.
Ça ou l'odeur du napalm au petit matin... 


L'Un

SCORN : "Yozza" ep. (Ohm/Resistance. 2011)
SUBMERGED : "Before fire, I was against other people" (Ohm/Resistance. 2011)

Tous les titres de SUBMERGED et de SCORN en écoute sur le site d'Ohm/Resistance
Site de Karol Lasia aka KHOMATECH, graphiste quasi attitré du label



vendredi 25 novembre 2011

ORCHESTRA OF SPHERES: Nonagonic Now


Une fois n’est pas coutume, allons aux antipodes. C’est vrai que les groupes n’abondent pas jusqu’à nos contrées, d’aucun esprits chagrin diront que ce n’est pas plus mal -on verra ça en mai messieurs-dames. En attendant, je me suis replongé dans l’écoute de cet album en revoyant la pochette. Et là « tilt » ! C’est un son qui m’a intéressé dès la première écoute il y a un an à sa sortie. Après quelques réécoutes, et quelques danses trépidantes, ses rythmes endiablés m’ont revisités ! Attention danger !!!
Ces néo zélandais sont loin de toute tradition, difficiles à définir, mais peu importe, ils ont choisi de nous le montrer avec leurs costumes dépareillés et bigarrés. Quelques accessoires de mode pour compléter et nous nous trouvons en face de 4 énergumènes tout droits sortis de la fin des années 60’, avec un sourire béa en travers de leurs visages. Psychédélique certainement, mais les influences sont multiples, et avant tout ethniques : la première comparaison qui m’était venu en tête est avec le son de Konono n°1, groupe de République Démocratique du Congo, sur Crammed records. Un son particulier, qui vient de la rue tant il est brut, rocailleux et métallique. Autre point commun, ce bidouillage d’instruments, du cousu main, qui assimile cette musique populaire à de l’artisanat, donc au savoir-faire.
Composé d’une batterie d’éléments minimaux, de ce qui ressemble à une guitare, ou un oud carré, ou une guitare montée à partir d’une boite, d’un clavier dont les sons ronds sont tout de même un peu granuleux sur les bords, et une percussion en bois qui rappelle un ballafon, c’est ainsi que l’Orchestre des Sphères nous trimballe hors de notre chambrée…
Ça démarre par un percussif Hypercube, où les voix répondent en cœur à des déroulés de notes, ça donne le ton, écoutez déjà ça, vous risquez d’en oublier de passer à un autre disque, à une autre atmosphère. Car c’est une musique à danser, collective et joyeuse, enfantine et puissante.
L’album déroule ensuite leurs compositions, poétiques parfois, psychés barrées comme « Eternal C of Darkness », sautant sans vergogne d’une ambiance à l’autre, tel un jeu. Même si les instruments sonnent parfois comme de simples jouets, il y a là l’énergie folle des Ex, et autres Dog Faced Herman. Je me laisse sûrement influencer par le chant fusionnel féminin et masculin, et les cordes bloquées ici et là comme dans « Isness » , et c’est probablement de ce côté-là que l’influence occidentale est à prendre. Ajouter juste un zest de folie et on y est…vous y êtes ?
La même joie est communicative en live, mêlant peu de mystique pour se concentrer sur le groove, quelques vidéos traînent sur le net pour en avoir une idée et se faire une représentation claire de leur sens de l’humour, élément essentiel pour savoir se remettre en question en permanence dans ce que l’on créé. La belle dégringolade de "Toadstone" nous en met une bonne couche!
Le nonagone est une forme compliquée, peu usitée, mais finalement très simple quand on a trouvé le bon angle pour la réaliser…

L'Autre


Nonagonic Now, Get it from Fire records

vendredi 18 novembre 2011

The DRIFT : "Blue Hour". Post-rock de l'au delà


La formule des très discrets The DRIFT fonctionnait plutôt bien en proposant ce qu'il est convenu d'appeler un honnête post-rock planant aux vagues relents jazzeux du simple fait de la présence d'une trompette qui donnait le ton en se posant au dessus de la section rythmique « classique » (basse – batterie - guitares/clavier). Fonctionnait discrètement bien jusqu'à la la disparition brutale du trompettiste, des suites de ce qu'il est convenu d'appeler pudiquement « une longue maladie ».
Comment alors continuer lorsque le carré du quartette a perdu un côté ? Peut-être sans fanfare ni trompette, et sans mauvais jeu de mots.
Là où d'autres auraient arrêté, ou, pire, remplacé le trompettiste, le trio de facto, continue sous cette formule, hommage idoine et (toujours) discret.
On fait table rase d'une formule éprouvée et impossible à re-convoquer donc pour proposer un catharsique Blue Hour.
Le trio recentre sa musique sur des structures rythmiques simples et hypnotiques. « Dark Passage » en ouverture en est la parfaite illustration. Au contraire, du précédent album, la dynamique du duo basse - batterie porte et entraine les touches colorées de la guitare, qui ne se substitue en rien à l'instrument défunt, installant à la place un enchevêtrement de nappes oscillant aux confins de l'air et de l'eau.
On pourrait arguer d'une très improbable ressemblance, avec JOY DIVISION ou le « 17 seconds » des CURE. Pour une certaine ambiance ; nullement l'influence.
Mais le ton donné n'est en rien sépulcral ou appesanti, loin d'un De Profundis électrifié.
On sent plutôt une volonté affirmée de nous emmener quelque part, entre tension et retenue ; vers un point lumineux.
Rapide examen des titres pour élément de réponse : tous évoquent non le décès et la tristesse qu'on y associe généralement, mais la notion de passage (« Dark Passage », bien sûr..., « Horizon ») de la vie vers ce qu'il y a ou non après la mort (« Continuum »). Des titres comme « Bardo 1 » et 2 font clairement référence au Livre des Morts Tibétains et de ce voyage post-mortem (qui conduit à la réincarnation mais là, c'est une autre histoire). Energies canalisées errant dans un tunnel sonore avec, au bout cet évident « Luminous Friend », suivi d'un « Hello From Everywhere », à la fois syncopé et apaisé.
Le groupe semble ainsi avoir suivi un chemin parallèle, à la tangente d'un au delà, pour mieux accompagner et veiller son mort, tout en trouvant cette voie qui reste à tracer, un monde infini de promesses en devenir devant soi (… les échos trippés à la Laddio Bolocko de « Fountain »...).
L'Heure Bleue chez les photographes, c'est cet instant ténu entre chien et loup où flotte une belle lumière indécise.

L'Un


The Drift : "Blue Hour" (Temporary Residence. 2011).
 The Drift- Luminous Friend by denouementspage  

vendredi 11 novembre 2011

VENETIAN SNARES : de Fuck Canada / Fuck America à Cubist Reggae


Tout ça démarre ce matin par quelques ablutions : pas de ma part, non, mais issues des enceintes en sourdine… c’est férié… ablutions sur bruits de foule en attente d’un bon live, salle de concert qu’on imagine aisément enfumée ; et oui on est en 1999. On savait ne pas interdire encore un peu à cette époque !
Ce petit instantané électroacoustique nous met en situation : nous allons écouter quelque chose de plus instinctif, vivant, que les montage habituels de Venetian Snares, et de tous bidouilleurs en home studio…quelques hurlements et cassures plus tard le ton est donné.
On est parti sur une version hurlante et saturée de la voix, accompagnant les sursauts pour ne pas dire les bégaiements de la grosse caisse. Et oui on est dans une techno breakcore, agrémentée quelques samples, extraits pour la plupart de discours et de bandes sons. Et c’était il y a dix ans : beaucoup d’albums sont passés par là. On en a beaucoup entendu et tout a un peu été dit dans cette famille musicale. Si j’en reviens là une décennie plus tard, c’est pour remarquer que tout est là, déjà. Au début du mouvement, il a martyrisé les rythmes les plus spartiates pour les rendre les plus bancals possibles. Il procède à une déstabilisation de l’auditeur, déconstruit de façon méthodique, très ordonnée finalement. C’est l’histoire de l’électronique, et l’impasse qui pointe à l’horizon qui semble motiver ce qui est une remise en question.
Plus qu’un abandon des machines, c’est une utilisation renouvelée de l’outil pour changer la pratique de création. Le musicien, mr tout le monde depuis quelques années alors, il va falloir qu’il réfléchisse s’il ne veut pas faire comme tout le monde. Les outils étant nés d’un formatage, la musique née elle-même formatée. Ils sont quelques uns à s’en rendre compte et à réagir. Aphex Twin est l’un de ceux là. L’I.D.M. au cœur d’une reflexion et d’un défoulement…
On remarque beaucoup de similarités dans leurs travaux, comme cet étonnant rapprochement de fond et de forme dans la réalisation de Windowlicker d’A.T. et Look sur Songs about Cats de V.S. : le spectogramme des morceaux montrent une représentation graphique visuelle concrète.

Pour en terminer avec cet album parmi les premiers d’AaronFunk, nom du mr Venetian, il propose les 8 premiers morceaux, les 8 suivants de Stuntrock sont conventionnels, avec le recul bien sûr : les batteries sont des échantillons entendus maintes et maintes fois, et la production plus brouillonne maîtrise moyennement la distorsion et le piège d’une électronique peu évolutive…même si Last Long Blew et quelques autres échappent à mon ire.

Tout comme le huitième morceau est construit sur une rythmique bancale et des samples de voix tremblotantes et de pets simulés, l’humour est au cœur de son travail : les vidéos, pour la plupart du complet bricolage, sont en général bien hilarantes. 

Je passe sur les superbes albums Chocolate Wheelchair (2003), les envolées de violons et violoncelles malmenées de Rossz Csillag Alatt Született (2005), et partant du principe que chaque album parvient à fournir une ou deux pépites, on trouve sur le net et dans les magazines énormément d’avis tranchés sur l’intérêt du travail du garçon. Je n’en remet pas une couche… mais arrive au dernier 4 titres sorti en vinyl cet été 2011 : Cubist Reggae.


Comme son nom l’indique, les morceaux sont emprunts de l’âme roots de la jamaïque dont Aaron aime la culture. Son travail réactualise cette âme pour la faire vibrer par les effets sonores que sont la reverb et le delay. On est loin des versions dubbées à l’anglaise : le savoir-faire du Canadien reste présent, c’est son côté « cubiste », manipulant les boutons pour retranscrire des versions live d’instrumentaux calmes sur la face A (et oui c’est un vynil…). Il maîtrise de belles basses qui vont s’avèrer de plus en plus ronflantes sur le troisième morceau « where you stopped the heaviest ». Il creuse le temps, recherche le silence en laissant traîner les effets, on le suit les yeux fermés. Les samples d’instruments à cordes répondent à la basse, c’est un des rares moments de calme dans son œuvre prolifique.
L’ultime morceau est à nouveau du dub où quelques uns de ses échantillons de sons de prédilection sont à nouveau malmenés dans une déconstruction temporelle. Le son est d’une propreté hallucinante, alors que leurs interventions sont rudes. De ce contraste, renaîssent des filets de voix et des batteries superposées jouées avec les balancements gauche-droite nous désorientant… pas mal pour du dub, nous sommes dans des superpositions que l’on pourrait imager comme des superpositions de deux films, recréant des défilements de scènes provoquant des hallucinations…

Le seul problème est que la somme des 4 morceaux dépasse à peine 16 minutes ; c’est donc frustré que j’attend une prochaine sortie discographique ; et me demande aussi qu’est devenu cette collaboration effectuée en 2009 avec John Frusciante…mystère !!!...

L'Autre

Son dernier album en écoute : my so-called life http://www.planet.mu/discography/TIMESIG001

Remix d’un morceau de black sabbath : http://www.youtube.com/watch?v=dbjy63xqlwI&feature=related

Courte interview (débile) et extrait live : http://www.youtube.com/watch?v=uJMj8UF7yYo

vendredi 4 novembre 2011

Asher Thal-Nil "Miniatures" et William Basinski "Melancholia"

Il en est de ceux  qui, avec cet entêtement consciencieux, flirtent dangereusement avec les limites inconnues d'une ascèse inutile, empruntant des chemins solitaires sur les bas-côtés des routes que personne d'autre qu'eux ne perçoit. Artisans mono-obsessionnels de la beauté inutile et vite oubliée, le geste pour le geste.
Disciples perdus dans le brouillard electro-statique  d'un Eno en auto-consumation lente (et contrôlée), nos deux évadés pourraient tout aussi  bien s'inscrire dans la lignée confuse mais solide de ceux qui se revendiquent d'Eric Satie voire de Maitre Cage.  C'est de ce qui se passe autour du piano qui nous
intéresse donc. 
Basinski a depuis longtemps fixé son choix et ses sons au moyen de dispositifs de bande electro-magnétiques mises en boucles, rejouées sur elle-même et diversement filtrées. On est rarement loin du drone. Chef d'oeuvre « accidentel », ses Disintegration Loops utilisent des bandes détériorées mise en boucle dont la mélancolie initiale du thème est renforcée par l'usure et le caractère  irréversible du processus d'altération physico-chimique des bandes magnétiques usées dont le revêtement chimique. Petite histoire dans l'Histoire, Basinski était en train de transférer ses vieilles bandes sur un support numérique le jour où deux avions se sont écrasés dans des gratte-ciel. Scotché à sa fenêtre, sa musique en train de défiler devenait bien malgré elle une sorte de requiem 9/11. Une petite musique de désintégration lourde de sens.
Melancholia utilise aussi le matériau de bandes magnétiques d'enregistrements de piano ( ou parfois de synthés) dont on ne connait l'auteur ou la provenance,  repassées et superposées à l'envi jusqu'à atteindre une sorte de disparition du motif sonore noyé en lui-même, entre contrepoints et échos assourdis. Ritournelles rattrapées par elles-même, qui semblent s'effacer dans l'instant dans une confusion qui ne manquera de générer ce sentiment de tristesse sans retour..
Ambiant-music réductionniste jamais loin de la disparition.

Si William Basinski se réclame ouvertement de l'héritage de Brian Eno (on pense immédiatement à son fameux Discreet Music), Asher Thal-Nir revendique pour influence directe, l'œuvre de Basinski (ainsi les travaux de Steve Roden) ; transmission inter-générationnelle. Sound artist discret de la côte Est, il gère parallèlement Sourdine, un micro-label qui publie le présent opus mais aussi les travaux d'autres musiciens comme le passionnant Christopher Mc Fall.
Là où Basinski  accumule et brouille les strates jusqu'à l'effacement comme un travail de sape par le temps, Asher lui, use et abuse d'un concept à la fois en apparence simpliste mais désarmant : parallèlement à des enregistrements en boucle d'un piano erratique, est comme juxtaposé  un bourdonnement continu de bruit blanc. Celui des ondes radios dans le vague ou d'une télé sans antenne. Souffle et crépitement indifférencié qui parasite la mélodie fragile derrière un beau mur de bruit sale et mouvant.
L'oreille en déroute effectue un va-et-vient incessant entre le bruit (« blanc ») et le piano.
Avons nous à faire à deux sources sonores distinctes simplement mixées ensemble par l'artiste ?
A moins que celui-ci ne se soit contenté de collecter de vieux enregistrements dont il aurait amplifié le grain du son.
L'anonymat des sources sonore et donc l'intention  d'Asher débouche sur ce vague flottement : est-ce la nostalgie d'entendre les sons fixés d'une époque révolue ou ce sentiment est il faussement suggéré par la simple juxtaposition des matériaux sonores ?
Qui  joue au piano ? Asher, un comparse enregistré, ou un fantôme du passé errant sur les ondes moyennes ?
L'équilibre est précaire et ravi(ve)t l'oreille interne.

Les deux musiciens interrogent et bousculent  délicatement les concepts de suggestion et de nostalgie par ce parti-pris  de l'altération ou du brouillage dans le traitement du son, et scellent de la sorte  les premières pierres d'un manifeste opaque de  rêveurs incompris qui cherchent surtout à poser les bonnes questions : celles qui restent sans réponses.
Pas si loin de Satie, donc ? La vraie question étant peut-être de savoir si lui-même aurait fait la même musique s'il avait vécu à notre époque.

L'Un

William BASINSKI : "Melancholia" (2062 label. 2005)
ASHER : "Miniatures" 2xcd (Sourdine. 2009)

liens :
- Asher Thal Nir :  
interview
extrait de Miniature

- William Basinski
extrait de Melancholia et Disintegration Loops

jeudi 27 octobre 2011

DOC IMPRO JAPONAISE : WE DON’T CARE ABOUT MUSIC, ANYWAY


Le dispositif est simple : à la façon d’un plateau tv, un débat est engagé entre des activistes de la scène improvisée japonaise : une douzaine de visages faiblement éclairés, mise en scène sobre, sans vrais décors ; des personnages pris sur le vif, attablés comme pour un bon repas en somme… et cela pour aborder des thèmes certes pas originaux de par leur problématique, mais d’un intérêt fort quant aux angles d’analyses présentés.
De par son histoire, la musique japonaise est déjà originale par nature, elle l’est aussi par les instruments utilisés, mais elle l’est surtout par le manque d’emprise qu’a pu avoir la pop musique durant un long temps sur la création. Pas de format, juste des inspirations, des émergences, des échos à ce qui se fait ailleurs. En fait la musique japonaise d’aujourd’hui a su montrer plus encore que d’autres médias, sa grande liberté, et son absence de limites : ses acteurs ont fait preuve au fil des décennies d’une maturité doublée d’une puissance scénique issue d’une désinhibition totale. Et l’on peut dire que la scène noise et improvisée est particulièrement prolixe. Je ne vais pas citer des noms mais le lien ci-dessous vous emmènera sur un répertoire des plus importantes personnalités. Et ne ratez pas l’extrait d’un live improvisé à la sortie de dvd au Japon, y’a bon !
Le documentaire « we don’t care » donne à entendre quelque uns de ces musiciens en exercice : instrumentistes, bidouilleurs de sons, performeurs, plusieurs générations sont côte à côte et se portent de façon attendrissante un profond respect mutuel… d’autant que leurs approches montrent un nombre important de points communs qui nous les présentent finalement comme une grande famille. Pas de bagarre à la fin de ce repas de mariage ici, on est entre gens qui savent vivre, et bien.
Le réalisateur, effacé pour mieux les inviter à librement parler, les met en scène cependant par de petites scénettes d’improvisation musicales dans un lieu de leur choix (canche, bâtiment industriel, appartement, cave…) : bien vu car il est encore plus parlant de les voir avec leur moyen d’expression de prédilection dans un environnement subjectif : par leur choix déjà et aussi par leur identité sonore. On en apprend ainsi un peu plus sur l’empreinte de Tokyo sur ses habitants.
C’est souvent le sourire aux lèvres que les improvisations mélangent leurs sons à ceux de la ville, aux résonances minérales. Et ces petites scènes dialoguent d’elles-mêmes avec les discussions autour de la table. On en apprend beaucoup, et on écoute silencieusement ce qui vient de cette fenêtre sur les antipodes, pas si éloignées que cela. l'influence d'Otomo Yoshihide en Europe est extraordinaire par exemple...
Ma scène préférée ? peut-etre celle dans l’usine abandonnée, au violoncelle…et vous ? la scène de la plage?

L'Autre
Site de musiciens japonais : http://www.japanimprov.com/
La vidéo du live sur les énergumènes : http://lesenergumenes.blogspot.com/p/videos.html 

jeudi 20 octobre 2011

ÔM : "God Is Good" (un vaut mieux que Dieu tu l'auras...).


God is good...
Dieu est bon.
Bien, ça les gars...
De ces groupe en quête du souffle infini de l'extase, tapis au fond d'un local de répèt' sous la lumière blafarde d'un néon grésillant.
Godisgood : on va se réciter ça tous les soirs à la lumière d'une bougie, les jambes ankylosées en position du lotus, histoire d'attendre une fin du monde imminente.
godisgoodgodisgoodgodisgood... 
ÔM.
Bon... examinons un peu plus sérieusement la Bête.
ÔM, est un duo basse-batterie né des cendres des mythiques SLEEP, plus lent plus lourd, c'est Black Sabbath. Au fil de quelques albums, ÔM aura exploré un versant tout aussi hypnotique mais plus rituel et dépouillé que le métal rampant du groupe précédent. Pour God Is Good, la basse déliée et ronflante d'Al Cisneros est appuyée par un nouveau disciple batteur Emil Amos(qui joue avec les post-rockeux de GRAILS). Et guru Steve Albini derrière ses manettes magiques, s'improvise monsieur météo de la petite aventure spirituelle.  
En route pour la Délivrance sonique.
Le concept ÔM reste invariable, invitation à l'hypnose sur un riff de basse souple et dynamique qui tourne progressivement, quoique le nouveau batteur l'accompagne de façon plus soutenue, tout en roulements saccadés et cymbales arabesques. Cisneros débite ses litanies d'une voix monocorde, comme d'autres des assertions poétiques.
Petite nouveauté aux conséquences incalculable sur cet album : par petites touche, ça et là, l'adjonction de flute traversière ou du bourdonnement d'un tempura indien (et de quelques cordes frottées), instruments du divin s'il en est, se plaçant de la sorte en parfait contrepoint de la section rythmique. Boucle bouclée en un long mantra œcuménique.
Loin, très loin, toujours plus haut, le duo accomplit le grand écart mystique entre rock velu et orient fantasmé. On est pas si loin du métal de SLEEP (et de son bien nommé « Dopesmokers »), la guitare en moins, les accents sabbathiens nuancés d'une dose de Pink Floyd circa 68' halucinné. Le propos captive et séduit, le message se distille aussi suavement que les bâtonnets d'encens chatouillent les narines et dilatent nos chakras ébahis : Dieu est en tout, même s'il n'est pas...
Un (trop court) album à élever et ranger sans complexe aux côtés d'un Terry Riley, du « Stimmung » de Stockhausen et bien évidemment du lumineux « A Love Supreme » de John Coltrane, pour d'évidentes  et communes obsessions syncrétiques. 
Etrange ascension.
Fly me high, bien perché.


L'Un

ÔM : « God Is Good » (DragCity.2009)
et aussi :

dimanche 16 octobre 2011

ERALDO BERNOCCHI & HAROLD BUDD: Music for fragment from the inside


Vous êtes sereins, bien sûr, détendus de partout; moi je le suis bien là. Rien de spécial n’est à venir. C’est le week end, calme, sans bruit. L’idéal moment pour mettre la chaîne fort pour une musique en souplesse. Et c’est le duo que je choisi. Quelques sons d’ambiance, des voix dans une réverbération suggérant un grand espace, sans parasites. Paix intérieure respectée.
 
Un souffle, des vibrations dans l’espace, un piano s’anime. Des notes en souplesse se glissent dans l’air frais. Frais il l’est, le volume qui les contiennent envoient à l’auditeur des sensations d’étendues vaporeuses. Les notes s’allongent certaines fois jusqu’à leur fin, loin, très loin. Harold Budd est un pianiste à la recherche du minimal, loin d’effets virtuoses, il cherche à s’immiscer tout au fond de l’oreille sans perturbation aucune…paix intérieure entretenue.

Eraldo Bernocchi ne va pas chercher à briser ces moments en suspension, et souligne plus qu’il ne trace, les quelques arabesques de son collègue. Effets de synthétiseur et multi-effets korg, kaosspad pour les intimes (hautement reconnaissable car beaucoup utilisé depuis dix ans, on a de quoi s'en lasser; mais bon, le chocolat c’est le chocolat, et on ne s’en plaint pas !): il soutient la fluidité du propos. Poésie en devenir au fil du suspens renouvelé en permanence. Beauté d’instants jouant sur le ralentissement du temps. Paix intérieure renouvelée.

Les seuls quelques moments qui font décoller les morceaux, si besoin était, arrivent avec l’incursion de batteries synthétiques elles aussi, qui rappellent celles bien rondes sur les disques collaboratifs de Bill Laswell, notamment sous Material ; je me demande même si la ligne de basse du fragment 5 n’est pas de lui… puis sur la balade langoureuse du 6 ème. Un bonheur. A l’origine cet album a été enregistré pour illustrer une installation plastique. Il illustre, un point c’est tout. Décontextualisé, c’est un magnifique soutien à l’imaginaire en mouvement, lent certes, et ça fait du bien de ne pas imaginer tout le temps une scène de poursuite en bagnole en écoutant une B.O.!

Le chat est encore sur les genoux, c’est un signe, reprenons un verre de vin. Paix intérieure.

L'Autre

Music for fragment from the inside, Sub Rosa, 2007

dimanche 9 octobre 2011

CASPAR BRÖTZMANN MASSAKER : "Koksofen"

Brötzmann fils ; Caspar. 
Le père, Peter, officie aux saxos et anches folles depuis plus de 40 ans à la tête d'une sorte d'avant-garde européenne free et radicale. Caspar, enfant. 
Ingurgiter l'excès sonore, la dissonance comme art de vivre brut et austère. Un modèle implacable.  Adolescent, on manipule une guitare, on gratouille et prend la pose devant le miroir. Caspar, ado, lui se saisit de l'instrument et s'absorbe à le démonter pour mieux dé-construire. En atteindre la substantifique moelle... 
Tuer le Père. 
Communier avec lui. 
Instrument vaudou. 
Et puis de monter un groupe... C'est normal : c'est le triste Berlin, de la fin  des 80's, pendant que tombe le Mur, pendant qu'on se fait chier. Kreuzberg... Tempelhof... On monte un groupe. 
Une basse ronflante, une batterie lente et appuyée ; une structure rythmique massive et solide qui colle au cadre des échappées austères d'une guitare folle et vengeresse .
Le Caspar Brötzmann Massaker c'est la redescente de trip lourde et brutale d'un Hendrix qui se réveillerait un matin d'hiver à Berlin avec les gars d'Eintuerzende Neubauten et Nick Cave pour compagnons de comptoirs embués... 
Salve de notes acides comme une pluie, chape plombée sur la Forêt Noire. Une technicité appliquée qui s'efface pour laisser la transe rituelle, froide et mécanique de mise en abîme prendre le dessus. Point de guitar hero mais une guitare héroïque à l'onirisme sauvage et contrôlé. 
Claustrophobie de paysages industriels en berne traversés de violents électrochocs. Musique de haut-fourneaux. 
Rigueur teutonne rencontre fougue d'un free rock échevelé, un peu comme le mauvais mélange de bière et de whisky bon marché dans un verre en cristal ébréché... Ou exactement son contraire. Largement sous-estimé, donc hautement recommandé.

L'Un

du son sur : 
http://www.myspace.com/casparbroetzmannmassaker
et un peu d'image :
http://www.youtube.com/watch?v=bM2sVpIUCCE

Caspar Brötzmann Massaker - "Koksofen" (homestead. 1993)


lundi 3 octobre 2011

LABEL REPHLEX : 20 ans !

C’est à 20 ans que Richard D. James s’allie avec Grant Wilson Claridge pour monter un label : l’envie de ne pas faire partie du circuit buziness du disque est donc simplement à l’origine de ce qui est un label des plus marquant à mon sens des années 90. Les galettes sorties ont compté pour nombre de musiciens, car en l’espace d’un an, ils avaient déjà une distribution internationale : l’auditoire se crée exponentiellement, comme une traînée de poudre, oui ! L’originalité des sons, la variété rythmique, l’abondance des sorties, et l’attrait d’une musique sans concession dans la foulée du mouvement d.i.y. des années 80. On retrouvait là, l’énergie punk, hardcore, la fraîcheur et la désinhibition. Un souffle nouveau.
90 sorties en 20 ans, la majeur partie dans les premières années, avec une quinzaine de participants et non des moindres : tout d’abord Richard D. James de son nom de scène le plus connu, Aphex Twin : il apparaît avec ses premières galettes sous AFX. Une dizaine d’autres suivront sous divers labels, les participations les plus fortes s’écoutent chez Warp record, anglais encore.
Mais bon même si ce cador mérite un article, je m’attarde plus aujourd’hui sur ses coéquipiers : tout d’abord Mike Dred, alias Kosmik Kommando, parce qu’il est véritablement une figure de proue : 3 albums et de nombreuses participations, mais surtout un homme du live ; il joue très régulièrement et à pour principe de jouer en direct avec des machines : sampleurs, boites à rythmes, il y a de la place pour le hasard. Et pour l’énergie du direct, encore plus important. Ses premiers jets house s’orientent rapido vers le breakcore et le breakbeat : comment user les semelles des danseurs, puissance 10 ! Cinq Ep’s portant les lettres A à E vont sortir de 93 à 97. Puis il va s’efforcer avec succès de créer un son mêlant la machinerie et les sonorités électroacoustiques, donnant une dimension plus « intelligente », pour reprendre l’appellation IDM que l’on a attribué au label ainsi qu’à Warp d’ailleurs : Intelligent Danse Music. Pas très futés les journalistes là-dessus, pouvaient mieux faire.
Leila, actrice sensible de cette scène essentiellement anglaise au début, joue comme une productrice : recherche de sons, utilisation de sons ethniques, de percussions rappelant le moyen orient dont elle est originaire. Et le tout piloté de la console. En studio, c’est joli, cisellé et fin, en souplesse, suffisamment original pour et suffisamment familier pour enjôler son auditeur. De la belle ouvrage. Elle a publié aussi des albums sur Warp…décidemment ! Luke Vibert, & Squarepusher alias Tom Jenkinson, sont dans le même cas, et sous des alias parfois, ils ont développé leurs rythmiques athypiques, jamais binaires, en micros coupures, cassures, qui pour Squarepusher frôlent des sonorités jazzy, du vrai jazz je veux dire. Adepte des samples de contrebasses et de batteries sèches, c’est l’alliance plus que le combat de la chaleur et de la rigueur. Des morceaux eux-aussi reconnaissables entre tous, une nouvelle fois. C’est la marque du label je vous le disais.
Comme Luke Vibert, Aleksi Perala est un petit jeune qui groove ; ils sont les enfants des précurseurs, travaillant humblement à faire évoluer une électro savante pas chiante. Creusant le sillon qu’ont ouvert afx et son associé, loin de la linéarité du mainstream. Mike Paradinas alias U-ziq, est lui le chaînon entre de la musique classique et l’électronique. Ses morceaux prennent le temps, les sons s’allongent, sans être ambiant ; juste des plages que ponctuent des craquements rythmiques, des sursauts de cuts oubliés. Et Pierre Bastien, ce français au travail poétique, mélange de bricolage et de poésie sonore électroacoustique, inventeur de montage de machines étonnantes.

Il y a de quoi voyager, du petit déjeuner planant avec U-ziq, à la nuit fiévreuse guidée par Mike Dred… quasi tout est écoutable sur le site du label !... ne pas se priver !

L'Autre

Et Soirée anniversaire Rephlex à Bourges le samedi 22 octobre 2011 au Nadir : emmetrop.fr.fm
Site de Rephlex : http://www.rephlex.com/artists

lundi 26 septembre 2011

Peter Brötzmann: Full Blast

Quarante années d'activisme free forcené du pourfendeur de anches allemand à la discographie pléthorique.
On entre sans transition dans son jazz cathartique à moins que ce ne soit lui qui nous rentre dans la gueule.
Ce pour tout prologue...tout comme au temps du manifeste coup de poing  Machine Gun, avec les électrons excités de la scène européenne d'alors (Han Bennink, Fred Van Hove, Derek Bailey...)
Pourquoi daigner déposer les armes quand la cause est une quête absolue ? L'héritage maudit du défunt  Albert Ayler  auto-approprié n'a  cessé de hanter son phrasé et sa syncope, de consumer son âme et nos oreilles.
Cri primal : l'instant pour l'instant, le bruit du bruit et la colère vacante. C'est le seul leitmotiv inlassablement colporté et hurlé, tout au long de ces 4 décennies d'activisme sonique. Politique du moindre mal quand on a que la rage aux tripes.

Peter Brötzmann a su éviter l'écueil de la répétition et du déjà vu (le monde de l 'improvisation radicale restant confidentiel, on a vite fait le tour de ses partenaires ) en se flanquant deux Helvètes jeunes et furieux à ses côtés qui manient la rythmique comme d'autres se jouent des failles sismiques à grande échelle.

Et c'est peut-être la vraie surprise du disque.
Peu connus mais très fréquentables, le bassiste Marino Pliakas et le percussionniste Michael Werthmueller (qui a joué au sein de l'inclassable quartet jazz-hardcore ALBOTH! ), représentent certes la relève, et surtout collent parfaitement aux sinusoïdales des saxes (alto, ténor et tarogato sur cet album) en appliquant un style percussif, dense et bruitiste qui s'inscrit souvent dans l'énergie incandescente du rock,  voire de la noise ou d'un métal violent et radical, sans pour autant tomber dans une séance de lifting commémorative de LAST EXIT, le projet « rock » du vieux renard de la Rurh.
On ne peut en revanche s'empêcher  de comparer la formation au CASPAR BROTZMANN MASSAKER ( le fils, qui déconstruit  la guitare comme le père dévore les anches du saxo ; atavisme, atavisme... ). Voilà pour le rapprochement, bien que l'on reste toujours dans l'idiome du jazz, si on admet que cette musique est une ramification ténue du jazz, et si ceux-là même qui pratiquent l'improvisation reconnaissent leur ascendance.
On est à la croisée des genres, chemins et générations, avec une idée plus précise de ce que se devrait toujours d'être ce genre de musique si on prenait plus souvent la peine de se faire saigner les oreilles.
Un peu.
Voodoo jazz...

L'Un